Voici le Jour promis
Shoghi Effendi


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Chapitre 9 à 13

9. Révélé au Pape

Baha'u'llah révéla ce qui suit au Pape Pie IX : O pape ! Déchire les voiles. Celui qui est le Seigneur des seigneurs est arrivé couronné de nuages et Dieu, le Tout-Puissant, l'Indépendant, a rempli le décret.... Il est en vérité revenu des cieux tout comme il était déjà venu la première fois. Prends garde de ne point Le contester tout comme les Pharisiens l'avaient contesté [Jésus] sans aucune preuve ni aucun indice réel. Dans sa main droite coule les eaux vivifiantes de la grâce et dans sa main gauche le grand vin de la justice alors que devant Lui marchent les anges du paradis portant les étendards de ses signes.

Prends garde qu'aucun nom ne te prive de Dieu, le Créateur de la terre et du ciel. Laisse le monde derrière toi et tourne-toi vers ton Seigneur à travers lequel la terre entière fut illuminée....Habites-tu dans des palais alors que celui qui est le roi de la révélation vit dans l'endroit le plus désolé ? Laisse-les à ceux qui les désirent et tourne ton visage avec joie et délice vers le royaume.... Lève-toi au nom de ton Seigneur, le Dieu de miséricorde, parmi les peuples de la terre, saisis la coupe de la vie avec les mains de la confiance, bois-en le premier et tends-la ensuite à ceux qui se tournent vers elle parmi les peuples de toutes les fois....

Rappelle-toi celui qui fut l'Esprit [Jésus] et qui, lorsqu'il vint, fut condamné par les plus érudits de son époque dans son propre pays, alors qu'un simple pêcheur a cru en lui. Prenez donc garde, vous qui avez un coeur qui comprend ! Tu es en vérité un des soleils du firmament de ses noms. Fais que l'obscurité n'étende pas ses voiles sur toi et ne t'éloigne de sa lumière.... Vois ceux qui s'opposèrent au Fils [Jésus] lorsqu'il vint à eux avec souveraineté et puissance. Combien de Pharisiens n'attendaient pas de le contempler et ne se lamentaient pas d'être séparés de lui ! Et pourtant, lorsque le parfum de sa venue se répandit sur eux, lorsque sa beauté se dévoila, ils se détournèrent de lui et le contestèrent.... Personne, hormis une poignée d'hommes sans pouvoir, ne se tourna vers sa face. Et pourtant aujourd'hui toute homme investi du pouvoir et de la souveraineté se glorifie de son nom ! De même, vois comme ils sont nombreux aujourd'hui les moines qui se sont reclus dans leurs églises en mon nom et qui, lorsqu'arriva le moment voulu et lorsque nous dévoilâmes notre beauté, ne nous reconnurent pas bien qu'ils m'invoquaient au coucher et au lever....

La parole dissimulée par le Fils est rendue manifeste. Elle a été envoyée sous la forme du temple humain en ce jour. Béni soit le Seigneur qui est le Père ! Dans sa majesté très grande Il est en vérité venu aux nations . Tournez votre visage vers lui, O rassemblement de justes !... Voici le jour où la Pierre [Pierre] appelle, s'écrie et célèbre la louange de son Seigneur, Celui qui possède tout, le très Haut, disant : "Voilà ! Le Père est venu et ce qui vous avait été promis dans le royaume s'est réalisé !..." Mon corps se languit de la croix et ma tête attend les coups de lance sur le chemin du Tout-Miséricordieux, afin que le monde soit purifié de ses transgressions....

O Pontife suprême ! Penche l'oreille vers ce que le Façonneur des os qui tombent en poussières te conseille, comme l'a dit celui qui est son très grand nom. Vends tous les beaux ornements que tu possèdes et dépense-les sur le chemin de Dieu qui fait tourner la nuit en jour et le jour en nuit. Abandonne ton royaume aux rois, sors de ta demeure, le visage tourné vers le royaume, détaché du monde et prononce alors les louanges de ton Seigneur entre la terre et le ciel. Ainsi te l'a ordonné Celui qui possède les noms, de la part de ton Seigneur, le Tout-Puissant, l'Omniscient. Exhorte les rois et dis : "Agissez équitablement envers les hommes. Veillez à ne point transgresser les limites fixées dans le Livre" C'est ce qu'il t'appartient de faire.

Prends garde de ne point t'approprier les choses du monde et ses richesses. Laisse-les à ceux qui les désirent et sois fidèle à ce que celui qui est le Seigneur de la création t'a ordonné. Si quelqu'un devait t'offrir tous les trésors de la terre, refus de même les regarder. Sois comme ton Seigneur a été. La langue de la révélation a ainsi parlé de ce dont Dieu a fait l'ornement du livre de la création....Si le vin de mes versets pouvait t'enivrer, tu serais déterminé à te présenter devant le trône de ton Seigneur, le Créateur de la terre et du ciel, à prendre mon amour pour vêtement, et ton souvenir protecteur de moi, et ton plein de confiance en Dieu, le Révélateur de tout pouvoir... En vérité, le jour est arrivé de rentrer la moisson et toutes les choses ont été séparées les unes des autres. Il a engrangé ce qu'Il a choisi sur les vaisseaux de la justice et mis au feu ce qui le méritait. Ainsi en a-t-il été décrété par votre Seigneur, le Puissant, l'Aimant, en ce jour promis. Il ordonne en vérité ce qui Lui plaît. Il n'y a pas d'autre Dieu que Lui, le Tout-Puissant, l'Irrésistible.


Dans la Tablette adressé à Alexandre II, Tsar de Russie, nous lisons : O Tsar de Russie. Tends l'oreille à la voix de Dieu, le Roi, le Saint, et tourne-toi vers le paradis, l'endroit où demeure Celui qui porte les titres les plus hauts parmi le concours céleste et que l'on appelle Dieu, le Resplendissant, le Tout-Glorieux, dans le royaume de la création. Prends garde que ton désir ne t'empêche de te tourner vers la face de ton Seigneur, le Compatissant, le très Miséricordieux. Nous avons en vérité entendu l'objet de tes suppliques à ton Seigneur lorsque tu communiais secrètement avec Lui. C'est pourquoi la brise de ma tendre bonté s'est levée, la mer de ma miséricorde a surgi et nous t'avons répondu en vérité. Ton Seigneur est en vérité l'Omniscient, le Très-Sage. Alors que je gisais lié et enchaîné dans la prison, un de tes ministres m'a offert son aide. C'est pourquoi Dieu t'a réservé un rang que nulle connaissance ne peut appréhender si ce n'est la sienne. Prends garde de ne point échanger ce rang sublime....

Prends garde que ta souveraineté ne t'éloigne de Celui qui est le Souverain suprême. Il est en vérité venu avec son royaume et tous les atomes s'écrient "Voilà ! Le Seigneur est venu dans sa grande majesté !" Celui qui est le Père est venu et le Fils [Jésus] crie dans la sainte vallée "Me voici, me voici, O Seigneur mon Dieu !" alors que le Sinaï entoure la Maison, et que le Buisson ardent s'écrie "Le Bienfaisant est venu, à cheval sur les nuages ! Béni celui qui est près de Lui et malheur à ceux qui en sont éloignés"

Lève-toi parmi les hommes au nom de cette Cause irrésistible et appelle alors les nations à Dieu, l'Exalté, le Grand. Ne sois pas comme ceux qui invoquaient Dieu sous l'un de ses noms mais qui, lorsque celui qui est l'objet de tous les noms apparut, le renièrent, se détournèrent de lui et, finalement, le condamnèrent avec une injustice manifeste. Considère et rappelle-toi l'époque où l'Esprit de Dieu [Jésus] apparut et qu'Hérode le condamna. Dieu cependant l'aida avec les armées de l'invisible, le protégea avec vérité et l'envoya vers un autre pays, comme Il l'avait promis. Il ordonne en vérité ce qui Lui plaît. Ton Seigneur épargne en vérité qui Il veut, qu'il soit au milieu des mers ou dans la gueule du serpent ou sous l'épée de l'oppresseur....

Et je dis encore "Ecoute ma voix qui appelle de ma prison afin qu'elle te fasse connaître ce qui est arrivé à ma beauté aux mains de ceux qui sont les manifestations de ma gloire, et afin que tu perçoives combien ma patience fut grande, sans parler de ma force, et combien mon endurance fut immense, sans parler de mon pouvoir. Par ma vie ! Si tu pouvais seulement savoir ce que ma Plume a dicté et découvrir les trésors de ma Cause, les perles de mes mystères qui gisent cachés dans les mers de mes noms et dans les coupes de mes paroles, tu offrirais ta vie sur mon chemin dans ton amour pour mon nom et dans ton attente de mon royaume glorieux et sublime. Sache que, quand bien même mon corps serait sous le glaive de mes ennemis et mes membres soumis à d'innombrables épreuves, mon esprit est rempli d'un bonheur que toutes les joies de la terre ne pourront jamais égaler.

Place ton coeur vers Celui qui est le Point d'adoration du monde et dis : O peuples de la terre ! Avez-vous renié celui sur le chemin duquel celui qui vint avec la vérité, apportant l'annonciation de votre Seigneur, l'Exalté, le Grand, souffrit le martyre ? Dis : Ceci est une annonciation qui a réjoui le coeur des prophètes et des messagers. Voici celui dont le coeur du monde se souvient, qui est promis dans les Livres de Dieu, le Fort, le Très-Sage. Dans leur désir de me rencontrer, les messagers avaient levé leurs mains vers Dieu, le Fort, le Glorifié....

Certains se lamentèrent de leur séparation de moi, d'autres connurent les privations sur mon chemin, d'autres encore offrirent leur vie pour l'amour de ma beauté, si seulement vous le saviez. Dis : En vérité, je n'ai pas cherché à célébrer mon propre être, mais bien Dieu Lui-même, si vous pouviez juger avec équité. On ne peut voir en moi rien d'autre que Dieu et sa Cause, si vous pouviez le percevoir. Je suis celui que la langue d'Isaiah a loué, celui dont le nom a orné la Torah et l'Evangile.... Béni le roi dont la souveraineté ne l'a pas retenu loin de son Souverain et qui s'est tourné vers Dieu avec son coeur. Il est compté en vérité parmi ceux qui ont atteint ce que Dieu, le Fort, le Très-Sage, a voulu. Très bientôt il se retrouvera avec les monarques des domaines du Royaume. Ton Seigneur est en vérité puissant sur toutes choses. Il donne ce qu'Il veut à qui Il veut et refuse ce qui Lui plaît à qui Il veut. Il est en vérité le Tout-Puissant, l'Omnipotent.


A la Reine Victoria, Baha'u'llah a écrit : O Reine qui est à Londres ! Tends l'oreille à la voix de ton Seigneur, le Seigneur de toute l'humanité, qui appelle de l'Arbre divin : En vérité, il n'y a pas d'autre Dieu que Moi, le Tout-Puissant, le Très-Sage ! Rejette tout ce qui est sur terre et orne la tête de ton royaume de la couronne du souvenir de ton Seigneur, le Tout-Glorieux. Il est arrivé dans le monde dans sa très grande gloire et tout ce qui a été écrit dans l'Evangile s'est réalisé. La terre de Syrie a été honorée des pas de son Seigneur, le Seigneur de tous les hommes, et le nord et le sud sont tous deux enivrés du vin de sa présence. Béni l'homme qui a respiré le parfum du très Miséricordieux et s'est tourné vers le lever de sa beauté, en cette aurore resplendissante. La Mosquée d'Aqsa vibre aux souffles de son Seigneur, le Tout-Glorieux, alors que Batha [La Mecque] tremble au son de la voix de Dieu, l'Exalté, le très Haut. Alors, chacune de leurs pierres célèbre la louange du Seigneur, à travers ce grand nom.

Abandonne ton désir et tourne alors ton coeur vers ton Seigneur, l'Ancien des jours. Nous t'avons mentionnée à l'intention de Dieu et nous souhaitons que ton nom soit exalté grâce à ton souvenir de Dieu, le Créateur de la terre et du ciel. Il est en vérité témoin de ce que je dis. Nous avons été informé que tu as interdit le commerce d'esclaves, hommes et femmes. Ceci en vérité est ce que Dieu a ordonné dans cette merveilleuse révélation. Pour cela, Dieu t'a justement réservé une récompense. Il attribuera en vérité à celui qui fait le bien la récompense qu'il mérite, si seulement tu suivais ce qui t'a été envoyé par Celui qui est l'Omniscient, Celui qui est informé de tout. De même, Dieu réduira à néant l'oeuvre de celui qui se détourne et se gonfle d'orgueil après que les signes manifestes lui aient été adressés par le Révélateur des signes. Il a en vérité tout pouvoir sur tout. Les actions de l'homme ne sont acceptables qu'après qu'il l'ait reconnu [la Manifestation]. Celui qui se détourne du Véritable est en réalité celui qui se voile le plus parmi ses créatures. Ainsi en a-t-il été décrété par Celui qui est le Très-Fort, le Tout-Puissant.

Nous avons également appris que tu avais remis les rênes du conseil aux mains des représentants du peuple. Tu as en réalité bien agi car ainsi les fondations de l'édifice de tes affaires en seront renforcées, et le coeur de tous ceux qui sont sous ton ombre, grands ou petits, sera apaisé. Il leur appartient cependant d'être fidèles parmi ses serviteurs et de se considérer comme les représentants de tous ceux qui vivent sur terre. C'est ce que leur conseille dans cette Tablette Celui qui est le Maître, le Très-Sage..... Béni celui qui entre dans l'assemblée pour l'amour de Dieu et qui est parmi les hommes un juge de grande justice. Il est en réalité parmi les bienheureux....

Tourne-toi vers Dieu et dis : O mon Seigneur souverain ! Je ne suis que ta vassale et Tu es en vérité le Roi des rois. J'ai levé mes mains suppliantes vers le ciel de ta grâce et de tes bontés. Envois vers moi alors des nuages de ta générosité ce qui me débarrassera de tout sauf de Toi et me rapprochera de Toi. Je T'implore O mon Seigneur, par ton nom dont Tu as fait le roi des noms et la manifestation de ton Etre pour tous ceux qui sont au ciel et sur la terre, de mettre en pièces les voiles qui se sont interposés entre moi et l'aurore de tes signes et l'aube de ta révélation. Tu es en vérité le Tout-Puissant, l'Omnipotent, le Tout-Bienfaisant. Ne me prive pas O mon Seigneur du parfum de l'habit de ta miséricorde en tes jours et écris pour moi ce que Tu as écrit pour tes servantes qui ont cru en Toi et en tes signes, qui T'ont reconnu et qui ont tourné leur coeur vers l'horizon de ta Cause. Tu es en vérité le Seigneur des mondes et de ceux qui font preuve de pitié envers le très Miséricordieux. Aide-moi alors, O mon Dieu, à célébrer ton souvenir parmi tes servantes et à aider ta Cause sur tes terres. Accepte alors ce qui m'a échappé lorsque la lumière de ta face est apparue. Tu as en vérité pouvoir sur toutes choses. Gloire à Toi, O Toi dans la main duquel repose le royaume des cieux et de la terre."


Dans le Kitab-i-Aqdas, son très saint Livre, Baha'u'llah s'adresse en ces termes à l'Empereur d'Allemagne Guillaume 1er : Dis : O Roi de Berlin ! Prête l'oreille à la voix qui appelle de ce temple manifeste : En vérité il n'y a pas d'autre Dieu que Moi, l'Eternel, l'Incomparable, l'Ancien des jours. Prends soin que la fierté ne t'empêche de reconnaître l'aurore de la divine révélation, que les désirs terrestres ne te coupent, comme par un voile, du Seigneur du trône céleste et terrestre. C'est ce que te conseille la plume du très Haut. Il est en vérité le très Gracieux, le Tout-Bienfaisant. Te rappelles-tu de celui dont la puissance dépassait ta puissance [Napoléon III] et dont le rang surpassait ton rang ? Où est-il ? Où s'en est allé tout ce qu'il possédait ? Prends garde et ne sois pas parmi ceux qui dorment profondément. Ce fut lui qui rejeta derrière lui la Tablette de Dieu lorsque nous lui fîmes savoir ce que les armées de la tyrannie nous avaient fait subir. Alors la disgrâce s'abattit sur lui de toutes parts et il mordit la poussière, perdant tout. Réfléchis bien, O Roi, à lui et à ceux qui, comme lui, ont conquis des villes et gouverné des hommes. Le Tout-Miséricordieux les a fait descendre de leur palais à la tombe. Sois averti, sois parmi ceux qui réfléchissent.

Et plus loin, dans le même Livre, on trouve cette prophétie remarquable : O rives du Rhin ! Nous vous avons vues ensanglantées car les épées de la vengeance s'étaient levées contre vous ; et cela vous arrivera encore. Et nous entendons les lamentations de Berlin bien qu'aujourd'hui, sa gloire soit manifeste. (voir Baha'u'llah et l'Ere Nouvelle p. 249.)

Dans le Kitab-i-Aqdas encore, on trouve ces paroles à l'attention de l'Empereur François-Joseph : O Empereur d'Autriche ! Celui qui est l'aurore de la lumière de Dieu vivait dans la prison de `Akka lors de ta visite à la Mosquée d'Aqsa [Jérusalem]. Tu l'as négligé et tu ne t'es pas enquis de celui grâce auquel chaque maison est exaltée et chaque grande porte déverrouillée. Nous en avons fait en vérité [de Jérusalem] un endroit vers lequel le monde devrait se tourner afin qu'ils se souviennent de Moi et pourtant tu as rejeté celui qui est l'objet de ce souvenir lorsqu'il apparut avec le royaume de Dieu, ton Seigneur et le Seigneur des mondes. Nous avons été en tous temps avec toi et t'avons trouvé accroché à la Branche, sans te soucier de la Racine. Ton Seigneur en vérité est témoin de ce que je dis. Cela nous affligeait de te voir tourner autour de notre nom, sans le savoir, malgré que nous étions devant ton visage. Ouvre les yeux pour contempler cette glorieuse vision, reconnaître Celui que tu invoques jour et nuit, et fixer la lumière qui brille au-dessus de cet horizon lumineux.

Dans le Suriy-i-Muluk, il s'adresse au Sultan `Abdu'l-`Aziz de la façon suivante : Ecoute O roi le discours de celui qui dit la vérité, celui qui ne te demande pas de le récompenser avec ce que Dieu a choisi de t'accorder, celui qui marche infailliblement sur le droit chemin. C'est lui qui t'appelle à Dieu, ton Seigneur, qui te montre la voie à suivre, le chemin qui mène au vrai bonheur afin que tu sois peut-être parmi ceux pour lesquels tout ira bien... Dieu sera assurément avec celui qui se donne entièrement à Lui ; et Dieu protègera en vérité celui qui place toute sa confiance en Lui de tout ce qui pourrait le blesser et l'abrite de la méchanceté de tous les conspirateurs du mal.

Si tu prêtais l'oreille à mon discours et si tu suivais mon conseil, Dieu t'exalterait à un rang si élevé que jamais les menées de qui que ce soit sur la terre entière ne pourraient t'atteindre ou te blesser. Observe, O roi, de tout ton coeur et de tout ton être, les préceptes de Dieu et ne marche pas sur les traces de l'oppresseur. Saisis et maintiens fermement dans les mains de ta puissance les rênes des affaires de ton peuple et examine personnellement tout ce qui les concerne. Ne laisse rien t'échapper car c'est là que réside le plus grand bien.

Remercie Dieu de t'avoir choisi parmi le monde entier et de t'avoir fait roi de ceux qui professe ta foi. Il t'appartient d'apprécier les faveurs merveilleuses que Dieu t'a accordées et de sans cesse magnifier son nom. La meilleure façon de Le louer pour toi c'est d'aimer ses aimés et de préserver et protéger ses serviteurs des méfaits des traîtres afin qu'ils ne puissent plus les opprimer. Tu devrais en outre te lever pour faire appliquer la loi de Dieu parmi eux afin que tu sois parmi ceux qui sont fermes dans sa loi.

Si grâce à toi les rivières de la justice répandaient leurs eaux parmi tes sujets, Dieu enverrait assurément à ton aide les armées visibles et invisibles et te fortifierait dans ton entreprise. Il n'y a pas d'autre Dieu que Lui. Toute création et tout empire lui appartiennent. C'est à Lui que reviennent les oeuvres des fidèles.

Ne mets pas ta confiance en tes trésors. Remets-en toi entièrement à la grâce de Dieu ton Seigneur. Qu'Il soit ton espoir en quoi que tu fasses et sois de ceux qui se sont soumis à sa volonté. Qu'Il soit ton secours et enrichis-toi de ses trésors car c'est avec Lui que gisent les trésors des cieux et de la terre. Il les donne à qui Il veut et les refuse à qui Il le désire. Il n'y a pas d'autre Dieu que Lui, Celui qui possède tout, le Tout-Loué. Tous les hommes ne sont que des mendiants à la porte de sa grâce ; ils sont impuissants face à la révélation de sa souveraineté et implorent ses faveurs.

N'outrepasse pas les limites de la modération et agis avec justice envers ceux qui te servent. Donne-leur selon leurs besoins et non pour qu'ils amassent des richesses pour eux-mêmes pour couvrir leur personne, embellir leur maison, acquérir des choses qui ne leur sont d'aucun profit et compter parmi les dépensiers. Sois d'une justice infaillible envers eux afin qu'aucun d'entre eux ne connaisse le besoin ou ne se vautre dans le luxe. Ceci n'est que simple justice. Ne permets pas que le vil gouverne et domine ceux qui sont nobles et honorables et ne souffre pas que le magnanime soit à la merci de l'indigne et du vaurien car c'est ce que nous avons vu à notre entrée dans la Ville [Constantinople] et nous en sommes témoin....

Mets devant tes yeux la balance infaillible de Dieu et, comme si tu étais en sa présence, pèses-y tes actions chaque jour, à chaque moment de ta vie. Rends des comptes sans attendre ton appel au jugement, le jour où aucun homme n'aura la force de se tenir debout par crainte de Dieu, le jour où le coeur des insouciants se mettra à trembler....

Tu es l'ombre de Dieu sur terre. Efforce-toi alors d'agir de façon qui convienne à un rang aussi élevé, aussi auguste. Si tu t'écartes et ne suis pas ce que nous avons fait descendre sur toi et ce que nous t'avons enseigné, tu seras sans nul doute privé de ce grand et inestimable honneur. Retourne alors à Dieu, sois-Lui tout à fait fidèle, purifie ton coeur du monde et de toutes ses vanités et ne permets pas à l'amour d'un étranger d'y entrer et d'y vivre. L'éclat de la lumière de Dieu ne pourra étendre ses rayons sur ton coeur que si tu le purifies de toute trace d'un tel amour car Dieu n'a donné à personne plus qu'un coeur. Ceci en vérité a été décrété et écrit dans son Livre ancien. Et puisque le coeur de l'homme, tel qu'il a été créé par Dieu, est un et indivisible, il t'appartient de veiller à ce que son affection soit également une et indivisible. Accroche-toi alors à son amour, avec toute la passion de ton coeur, et détache-le de l'amour de tout autre que Lui afin qu'Il t'aide à t'immerger dans l'océan de son unité et te permette de devenir un vrai défenseur de son unicité...



10. Que l'oppresseur renonce

Que ton oreille soit attentive, O Roi, aux paroles que nous t'avons adressées. Que l'oppresseur renonce à sa tyrannie et ne compte pas les fauteurs d'injustices parmi ceux qui professent ta foi. Par la justice de Dieu ! Les épreuves que nous avons subies sont telles que la plume qui en rendrait compte ne pourrait qu'être submergée de douleur. Aucun de ceux qui croient sincèrement en l'unité de Dieu et la soutiennent ne peuvent supporter le poids de leur récit. Nos souffrances ont été si grandes que même les yeux de nos ennemis ont pleuré sur nous et au-delà, ceux de toute personne de discernement. Et nous avons été soumis à toutes ces tribulations malgré notre action pour t'approcher et inviter le peuple à entrer sous ton ombre afin que tu sois comme une forteresse pour ceux qui croient et défendent l'unité de Dieu.

T'ai jamais désobéi O Roi ? Ai-je jamais transgressé l'une de tes lois ? Un seul de tes ministres qui te représentent en `Iraq peut-il brandir une preuve qui établisse ma déloyauté à ton égard ? Non, par Celui qui est le Seigneur de tous les mondes ! Je ne me sui jamais, ne serait-ce qu'un seul instant, rebellé contre toi ni contre aucun de tes ministres. Jamais, Dieu le veut, nous ne nous révolterons contre toi, quand bien même nous serions soumis à des épreuves plus lourdes encore que celles que nous avons déjà connues. Jour et nuit, matin et soir, nous prions Dieu en ton nom pour qu'Il t'aide dans sa grâce à Lui obéir et à observer ses commandements afin qu'Il te protège des armées des mauvais. Alors agis comme bon te semble et traite-nous comme il convient à ton rang et à ta souveraineté. N'oublie pas la loi de Dieu quelque soit ce que tu désires entreprendre, maintenant et dans les jours à venir. Dis : Que Dieu, le Seigneur de tous les mondes, soit loué.


En outre, dans le Kitab-i-Aqdas, il interpelle avec véhémence Constantinople : O endroit situé sur la rive des deux mers ! En vérité le trône de la tyrannie s'est établi en toi et le feu de la haine s'est allumé en ton sein de façon telle que le concours des cieux et ceux qui entourent le trône exalté ont pleuré et se sont lamentés. Nous voyons chez toi les insensés gouverner les sages, l'obscurité se vanter de la lumière. Tu es en fait remplie d'un orgueil manifeste. Ta splendeur extérieure t'a-t-elle rendue vaniteuse ? Par Celui qui est le Seigneur de l'humanité ! Cela périra bientôt et tes filles, tes veuves et toutes les familles qui vivent en tes murs se lamenteront. C'est ainsi que t'informe l'Omniscient, le Très-Sage.

Quant à Nasiri'd-Din Shah, le Lawh-i-Sultan, qui lui fut expédié d'`Akka et qui constitue la plus longue lettre de Baha'u'llah, proclame : O Roi ! Je n'étais qu'un homme comme les autres, endormi sur mon lit, lorsque subitement les brises du Tout-Glorieux soufflèrent sur moi et me donnèrent la connaissance de tout ce qui a été. Cela ne vient pas de moi, mais de Celui qui est tout-puissant et omniscient. Et Il m'ordonna d'élever ma voix entre la terre et le ciel et pour cela, il m'arriva ce qui a fait couler les larmes de tous les hommes de compréhension. Je n'ai pas étudié les enseignements qui ont cours parmi les hommes ; je ne suis pas allé dans leurs écoles. Demande dans la ville où je vécus afin de t'assurer que je suis pas de ceux qui mentent. Ceci n'est qu'une feuille que les vents de la volonté de ton Seigneur, le Tout-Puissant, le Tout-Loué, ont fait bouger. Peut-elle ne point remuer alors que soufflent les vents de la tempête ? Non, par Celui qui est le Seigneur de tous les noms et de tous les attributs ! Ils la font trembler comme bon leur semble. L'éphémère n'est rien devant Celui qui est l'Eternel.

Ses appels irrésistibles me sont parvenus et m'ont fait célébrer sa louange parmi tous les hommes. J'étais en fait comme mort lorsque son ordre fut prononcé. La main de la volonté de ton Seigneur, le Compatissant, le Miséricordieux, me transforma. Un homme peut-il exprimer, de son plein gré, ce qui fera se lever contre lui tous les hommes, grand et petits ? Non, par Celui qui a enseigné à la Plume les mystères éternels, sauf celui que la grâce du Tout-Puissant, de l'Omnipotent, a fortifié. La Plume du très Haut s'est adressée à moi en disant : Ne crains rien. Raconte à sa Majesté le Shah ce qui t'est arrivé. Son coeur en vérité est entre les doigts de ton Seigneur, le Dieu de miséricorde, afin que le soleil de la justice et de la bonté luise peut-être au-dessus de l'horizon de son coeur. Ainsi le décret a-t-il été fixé par Celui qui est le Très-Sage.

Regarde ce jeune avec les yeux de la justice, O Roi ; juge alors avec vérité ce qui lui est arrivé. D'une vérité, Dieu t'a fait son ombre parmi les hommes et le signe de son pouvoir pour tous ceux qui vivent sur terre. Prononce-toi entre nous et ceux qui nous ont opprimé sans aucune preuve et sans un Livre d'explication. Ceux qui t'entourent t'aiment dans leur propre intérêt alors que ce jeune t'aime pour toi et n'a d'autre désir que celui de te rapprocher du siège de la grâce et de te tourner vers la main droite de la justice. Ton Seigneur m'est témoin de ce que je déclare.

O Roi ! Si tu tendais l'oreille au crissement de la Plume de gloire et au roucoulement de la Colombe de l'éternité qui, sur les branches de l'Arbre divin au-dessus duquel on ne peut passer, chante les louanges de Dieu, l'Auteur de tous les noms et le Créateur de la terre et du ciel, tu atteindrais un rang d'où tu ne verrais dans le monde de l'être que la splendeur de l'Adoré et tu considérerais ta souveraineté comme la plus éphémère de tes possessions, l'abandonnant à qui la désire et tournant ton visage vers l'horizon embrasé de la lumière de sa face. Tu ne voudrais jamais non plus porter le fardeau du pouvoir si ce n'est pour aider ton Seigneur, l'Exalté, le très Haut. Alors le concours des cieux te bénirait. O combien parfait est ce rang sublime auquel tu pourrais parvenir par le pouvoir d'une souveraineté reconnue comme émanant du nom de Dieu !...

O Roi de l'époque ! Les yeux de ces réfugiés sont tournés vers la pitié du très Miséricordieux et la fixent. Il ne fait aucun doute que ces tribulations seront suivies par des débordements de la grâce suprême et que ces terribles adversités finiront en une prospérité abondante. Nous aimerions espérer cependant que sa Majesté le Shah examinera lui-même ces affaires et apportera l'espoir aux coeurs. Ce que nous avons soumis à ta Majesté, l'a été en réalité pour ton plus grand bien. Et Dieu en vérité est un témoin suffisant pour moi....

O si seulement tu me permettais O Shah de t'envoyer ce qui réjouirait les yeux, apaiserait les esprits et persuaderait tous les hommes justes que c'est avec Lui que se trouve la connaissance du Livre.... Mais en ce qui concerne le renvoi des insensé et la complicité des théologiens, j'aurais prononcé un discours qui aurait fait frémir les coeurs et les aurait transportés vers un royaume dont on aurait entendu le murmure des vents : Il n'y a pas d'autre Dieu que Lui !...

O Shah, j'ai vu sur le chemin de Dieu ce que l'oeil n'a pas vu et ce que l'oreille n'a pas entendu.... Innombrables sont les épreuves qui se sont abattues sur moi et qui s'abattront encore sur moi ! J'avance, le visage tourné vers Celui qui est le Tout-Puissant, le Tout-Généreux alors que derrière moi glisse le serpent. Mes yeux ont pleuré jusqu'à tremper mon lit de larmes. Je ne me plains pas cependant. Par Dieu ! Ma tête attend le glaive avec impatience par amour pour son Seigneur. Jamais je ne suis passé près d'un arbre sans que mon coeur ne s'adresse à lui en disant : "O si tu pouvais être coupé en mon nom et si mon corps pouvait être crucifié sur ton bois, sur le chemin de mon Seigneur !"... Par Dieu ! Bien que l'ennui me terrasse et que la faim me consume, que je n'aie pour seul lit que la pierre nue et pour compagnons que les bêtes des champs, je ne me plaindrai pas et souffrirai patiemment comme ceux qui sont constants et fermes ont souffert patiemment grâce au pouvoir de Dieu, le Roi éternel et le Créateur des nations et je rendrai grâce à Dieu en toutes circonstances. Nous prions pour que, dans sa bonté - qu'Il soit exalté -, Il libère par cet emprisonnement les chaînes et les entraves des nuques des hommes et les fasse se tourner avec un visage plein de sincérité vers sa face, Lui qui est le Puissant, le Bon. Il est prêt à répondre à quiconque L'appelle et Il est proche de ceux qui communient avec Lui.


Dans le Qayyum-i-Asma, le Bab pour sa part s'adresse ainsi au Shah Muhammad : O Roi de l'Islam ! Après avoir aidé le Livre, aide, avec la vérité, celui qui est notre très grand souvenir car pour le jour du jugement, Dieu t'a réservé en vérité, ainsi qu'à ceux qui t'entourent, un rang de responsabilité sur son chemin. Je jure par Dieu, O Shah ! Si tu fais preuve d'animosité à l'égard de celui qui est son souvenir, Dieu te condamnera devant les rois, le jour de la résurrection, au feu de l'enfer et en vérité tu ne trouveras en ce jour aucun secours si ce n'est celui de Dieu, l'Exalté. O Shah, purifie le pays sacré [Tihran] de ceux qui ont renié le Livre avant le jour où le souvenir de Dieu arrivera, tout à coup et de terrible façon, avec sa Cause puissante, par la feuille de Dieu, le très Haut. Dieu en vérité t'a ordonné de te soumettre à celui qui est son souvenir et à sa Cause et d'assujettir, avec la vérité et par sa feuille, les pays car tu as été gracieusement investi en ce monde de souveraineté et tu demeureras dans le monde suivant près du siège de la sainteté avec les habitants du paradis de son bon plaisir. Ne laisse pas ta souveraineté t'abuser O Shah car chaque âme connaîtra la mort et ceci en vérité a été rédigé comme un décret de Dieu.

Dans sa Tablette au Shah Muhammad, le Bab a en outre révélé : Je suis le Premier Point d'où sont issues toutes les choses créées. Je suis la face de Dieu dont jamais l'éclat ne pourra se ternir, la lumière de Dieu dont jamais le rayonnement ne s'évanouira.... Dieu a choisi de mettre dans ma main droite toutes les clés des cieux et dans ma main gauche celles de l'enfer.... Je suis l'un des piliers de soutien de la parole fondamentale de Dieu. Quiconque m'a reconnu a pris connaissance de ce qui est vrai et juste et est parvenu à ce qui est bon et convenable....La matière avec laquelle Dieu m'a créé n'est pas l'argile avec laquelle Il a formé les autres. Il m'a attribué ce que les sages du monde ne pourront jamais saisir, ce que les fidèles ne pourront jamais découvrir....

Par ma vie ! Si ce n'était pour reconnaître la Cause de celui qui est la preuve de Dieu..., je ne t'aurais pas annoncé cela.... La même année [en l'an 60], je t'ai envoyé un messager et un livre afin que tu agisses envers la Cause de celui qui est la preuve de Dieu d'une façon qui convienne au rang de ta souveraineté....

Je jure par la vérité de Dieu ! Si celui qui a voulu me traiter de telle manière savait qui il avait ainsi traité, en vérité, il ne serait plus jamais heureux pour le restant de ses jours. Non - en vérité je te fais part de la réalité de la situation - c'est comme s'il avait emprisonné tous les prophètes, tous les hommes de vérité, et tous les élus.... Malheur à celui dont les mains accomplissent le mal et béni l'homme dont les mains font le bien....

Je jure par Dieu ! Je ne recherche pas de toi des biens terrestres, même aussi petits qu'un grain de moutarde.... Je jure par la vérité de Dieu ! Si tu savais ce que je sais, tu abandonnerais la souveraineté de ce monde et du suivant pour atteindre mon bon plaisir grâce à ta soumission au Véritable.... Si tu refusais, le Seigneur du monde choisirait un homme qui exalterait sa Cause et en vérité le commandement de Dieu serait suivi.



11. Le Vicaire de Dieu sur terre

Chers amis ! Quel vaste panorama déroulent devant nous ces déclarations semblables à une pierre précieuse, pénétrantes et divinement prononcées ! Quels souvenirs elles évoquent ! Qu'ils sont sublimes les principes qu'elles inculquent ! Quels espoirs elles font naître ! Quelles appréhensions elles suscitent ! Et pourtant, comme les paroles ci-dessus, utilisées dans le but premier d'illustrer mon thème, paraissent fragmentaires comparées à la majesté déferlante que seule la lecture du texte entier peut dégager ! Celui qui était le vicaire de Dieu sur terre, s'adressant, au moment le plus critique, lorsque sa révélation atteignait son apogée, à ceux qui concentraient dans leur personne la splendeur, la souveraineté et la force de l'empire terrestre, ne pouvait certainement pas diminuer d'un iota la puissance et la force que demandait la présentation d'un message si historique. Ni les dangers qui l'entourèrent rapidement, ni le formidable pouvoir que le système de la souveraineté absolue conférait à l'époque aux empereurs de l'ouest et aux potentats de l'est, n'avaient empêché l'exilé et le prisonnier d'Andrinople de communiquer toute la portée de son message à ses deux persécuteurs impériaux ainsi qu'au reste de leurs collègues souverains.

L'ampleur et la diversité du thème, le bien-fondé du raisonnement, la transcendance et l'audace du langage, attirent notre attention et étonnent notre esprit. Des empereurs, des rois et des princes, des chanceliers et des ministres, le Pape lui-même, les prêtres, des moines et des philosophes, les dispensateurs du savoir, les parlementaires et les députés, les riches de la terre, les disciples de toutes les religions et le peuple de Baha - tous sont à la portée de l'auteur de ces messages et reçoivent conseils et remontrances selon leurs mérites.

La diversité des sujets traités dans ces Tablettes est toute aussi surprenante. Elles louent la majesté transcendante et l'unité d'un Dieu incognoscible et inaccessible, proclament et affirment l'unicité de ses messagers.
Elles soulignent l'unité, l'universalité et les potentialités de la Foi baha'ie et dévoilent le but et le caractère de la révélation babie.
Elles découvrent la signification du bannissement et des souffrances de Baha'u'llah, reconnaissent les tribulations qui se sont abattues sur son héraut et sur celui qui porte son nom et s'en lamentent.
Elles font écho de sa propre aspiration à porter la couronne du martyre, qu'ils ont tous deux soi mystérieusement gagnée, et annoncent les gloires et les merveilles ineffables que sa propre dispensation réserve.
Elles rapportent des épisodes, à la fois émouvants et merveilleux, de différentes étapes de son ministère et affirment sans cesse, avec détermination, le caractère transitoire du faste, du renom, des richesses et de la souveraineté dans le monde.
Elles appellent avec énergie et insistance l'application des principes les plus nobles dans les relations humaines et internationales et prescrivent d'abandonner les pratiques et les usages indignes qui portent préjudice au bonheur, à la croissance, à la prospérité et à l'unité de la race humaine.
Elles critiquent des rois, accusent des dignitaires ecclésiastiques, condamnent des ministres et des plénipotentiaires, admettent sans équivoque et annoncent à maintes reprises son avènement avec la venue du Père Lui-même.
Elles prédisent la chute violente de quelques-uns de ces rois et empereurs, défient ouvertement deux d'entre eux, avertissent la plupart, font appel à tous et les exhortent.

Dans le Lawh-i-Sultan (Tablette au Shah de Perse), Baha'u'llah déclare : Si seulement le désir qui orne le monde de sa majesté décidait que ce serviteur soit confronté aux prêtres de l'époque, qu'il fournisse des preuves et des témoignages en présence de sa majesté le Shah ! Ce serviteur est prêt et met son espoir en Dieu pour qu'une telle rencontre se réalise afin que la vérité à ce sujet soit rendue évidente et manifeste devant sa majesté le Shah. C'est donc à toi de commander et je me tiens prêt devant le trône de ta souveraineté. Décide alors pour ou contre moi.

En outre, Baha'u'llah, se remémorant dans le Lawh-i-Ra'is, sa conversation avec l'officier turc chargé de veiller au respect de son bannissement à la cité prison d''Akka, a écrit : Il y a une chose que je te demande de soumettre, si cela t'est possible, à sa majesté le Sultan, c'est qu'il permette à ce jeune de le rencontrer afin qu'il puisse lui demander tout ce qu'il juge être un témoignage suffisant et considère comme une preuve de la véracité de celui qui est la vérité. Si Dieu lui permettait de la produire, alors qu'il libère ces opprimés et les laisse à eux-mêmes.
Baha'u'llah ajoute dans cette Tablette : Il promit de transmettre ce message et de nous donner sa réponse. Nous n'avons cependant reçu aucune nouvelle de lui. Bien qu'il ne sied point à celui qui est la vérité de se présenter devant qui que ce soit, puisque tous ont été créé pour lui obéir, nous avons cependant donné notre accord à ce sujet, voyant la situation de ces petits enfants et de nombreuses femmes si éloignées de leurs amis et de leur pays. Malgré cela, il n'y eut aucune résultat. 'Umar lui-même est vivant et abordable. Renseignez-vous auprès de lui pour connaître la vérité.

Se référant à ces Tablettes écrites aux souverains de la terre et accueillies comme un "miracle" par 'Abdu'l-Baha, Baha'u'llah a écrit : Chacun d'entre eux a reçu un nom particulier. Le premier fut appelé "celui qui gronde", le deuxième, "celui qui souffle", le troisième, "l'inévitable", le quatrième, "le plat", le cinquième, "la catastrophe", et les autres, "le coup de trompette étourdissant", "l'événement proche", "la grande terreur", "la trompette", "le clairon", etc, afin que tous les peuples de la terre sachent avec certitude et soient témoins avec leurs yeux intérieurs et extérieurs que Celui qui est le Seigneur des noms a régné et continuera de régner, en toutes circonstances, sur tous les hommes.... Jamais depuis le commencement du monde le message n'a été proclamé si ouvertement....
Gloire à sa puissance qui a lui et enveloppé les mondes ! Cet acte de l'Auteur des causes a eu deux effets lorsqu'il fut révélé. Il a immédiatement aiguisé les glaives des infidèles et délié les langues de ceux qui se sont tournés vers Lui, dans son souvenir et sa louange. Ceci est l'effet des vents fertilisants qui ont été mentionnés auparavant dans le Lawh-i-Haykal. Toute la terre est à présent enceinte.

Le jour approche où elle donnera ses fruits les plus nobles, où elle fera surgir les arbres les plus hauts, les fleurs les plus enchanteresses, les grâces les plus divines. Incommensurablement exaltée est la brise qui se dégage du vêtement de ton Seigneur, le Glorifié ! Car voilà, il en a respiré le parfum et rendu toutes choses neuves ! Heureux ceux qui comprennent. Il est tout à fait clair et manifeste que, dans ces choses, celui qui est le seigneur de la révélation n'a rien recherché pour lui-même. Bien que conscient que cela mènerait à des épreuves, serait la cause de troubles et de douloureux procès, il a fermé les yeux sur son propre bien-être et supporté ce que personne n'avait supporté ni ne supportera jamais, simplement en gage de sa tendre bonté et de sa grâce et pour réveiller les morts, rendre la Cause du Seigneur de tous les noms et de tous les attributs manifeste et sauver tous ceux qui sont sur terre.


Baha'u'llah ordonna que la plus importante de ses Tablettes adressées individuellement aux souverains soient écrites sous forme de pentagramme symbolisant le temple de l'homme et comprenant, en guise de conclusion, les paroles suivantes qui montrent l'importance qu'il accordait à ces messages et qui indiquent leur lien direct avec la prophétie de l'ancien Testament : Ainsi avons-nous construit le temple avec les mains du pouvoir et de la puissance, si seulement vous le saviez. Ceci est le temple que le Livre vous promettait. Approchez-vous en. Voici ce qui vous est profitable, si seulement vous le compreniez. Soyez justes, O peuples de la terre ! Lequel est préférable, ceci ou un temple fait d'argile ? Tournez votre visage vers lui. C'est ce que vous ordonne Dieu, le Secours dans le péril, Celui qui subsiste par Lui-même. Suivez son commandement et louez Dieu, votre Seigneur pour ce qu'Il vous a accordé. Il est en vérité la Vérité. Il n'y a pas d'autre Dieu que Lui. Il révèle ce qui Lui plaît par ses paroles "Sois et cela est".

Sur le même sujet, dans une de ses Tablettes, il s'adresse ainsi aux disciples de Jésus-Christ : O rassemblement de disciples du Fils ! En vérité, ce sont les mains de la volonté de votre Seigneur, le Tout-Puissant, le Munificent, qui ont bâti le temple. Alors témoignez, O peuple, de ce que je dis : lequel est préférable, le temple fait d'argile, ou celui bâti des mains de votre Seigneur, le Révélateur des versets ? Voici le temple qui vous était promis dans les Tablettes. Il s'écrie : "O disciples des religions ! Hâtez-vous d'atteindre Celui qui est la Source de toutes les causes et ne suivez pas tous les infidèles et ceux qui doutent."

Il ne faut pas oublier qu'à part ces Tablettes spécifiques qui s'adressent individuellement et collectivement aux rois de la terre, Baha'u'llah a révélé d'autres Tablettes - le Lawh-i-Ra'is en étant un exemple frappant - et émaillé la masse de ses volumineux écrits d'innombrables passages où il s'adressait directement et se référait à des ministres, à des gouvernements et à leurs représentants accrédités. Je ne m'occupe cependant pas des passages et des références qui, bien qu'essentiels, ne peuvent être considérés comme empreints de cette fécondité particulière que doivent avoir les messages directs et spécifiques prononcés par la manifestation de Dieu et s'adressant aux principaux magistrats du monde.

Chers amis ! On a décrit en suffisance les tribulations qui submergèrent pendant si longtemps les fondateurs d'une révélation si remarquable et que le monde a ignorées de façon si désastreuse. On s'est aussi suffisamment intéressé aux messages adressés à ces dirigeants souverains qui, dans l'exercice de leur autorité illimitée, ont provoqué sciemment ces souffrances, ou qui dans la plénitude de leur pouvoir, auraient pu se dresser pour adoucir leur effet ou dévier leur cours tragique.

Voyons maintenant les conséquences qui en découlèrent. La réaction de ces monarques était, comme cela a déjà été dit, variée et claire et, au fur et à mesure que les événements se succédaient, elle avait des conséquences désastreuses. Un des plus éminents de ces souverains montra même un grossier irrespect vis-à-vis des appels divins, y mettant fin par une réponse brève et insolente écrite par un de ses ministres. Un autre s'empara avec violence du porteur du message, le tortura, le marqua aux fers et le tua brutalement. D'autres préférèrent garder un silence méprisant. Tous manquèrent totalement à leur devoir qui était de se lever et d'apporter leur aide. Deux d'entre eux particulièrement, poussés par la double impulsion de la peur et de la colère, resserrèrent leur emprise sur la Cause qu'ils avaient ensemble décidé de déraciner. L'un condamna son prisonnier divin à un bannissement supplémentaire, dans la plus laide des cités, au climat le plus détestable et à l'eau la plus nauséabonde, alors que l'autre, incapable de mettre la main sur le premier moteur d'une Foi haïe, en soumit les membres qui étaient en son pouvoir à des cruautés abjectes et sauvages.
Le récit des souffrances de Baha'u'llah, repris dans ces messages, n'arriva pas à éveiller de la compassions dans leur coeur. Ses appels, sans précédents dans les annales de la chrétienté, et dans celles de l'Islam, furent rejetés avec dédain. Les sombres mises en garde qu'il prononça furent dédaigneusement méprisées. Les défis audacieux qu'il lança furent ignorés. Les châtiments qu'il prédit furent balayés d'un air moqueur.

Alors - devons-nous nous demander - qu'est-il arrivé après un rejet si total et honteux et que se passe-t-il encore maintenant, et particulièrement en ces dernières années du premier siècle baha'i, un siècle chargé de tant de souffrances tumultueuses et de violents outrages pour la Foi persécutée de Baha'u'llah ? Des empires tombés en poussières, des royaumes renversés, des dynasties éteintes, la royauté salie, des rois assassinés, empoisonnés, exilés, soumis dans leur propre royaume, alors que les quelques trônes restants tremblent devant les répercussions de la chute de leurs semblables.

On peut dire que ce processus si gigantesque, si catastrophique, a commencé en cette nuit mémorable où, dans un coin obscur de Shiraz, le Bab, en présence de la première lettre à croire en lui, révéla le premier chapitre de son célèbre commentaire sur la sourate de Joseph (le Qayyum-i-Asma') dans lequel il claironna son appel aux souverains et aux princes de la terre. Il passa de l'incubation à la manifestation visible lorsque les prophéties de Baha'u'llah, serties pour la nuit des temps dans le Suriy-i-Haykal et prononcées avant la chute dramatique de Napoléon III et l'emprisonnement volontaire du Pape Pie IX au Vatican, se réalisèrent.

Il prit de la force lorsque, à l'époque d''Abdu'l-Baha, la Grande Guerre mit fin aux dynasties des Romanov, des Hohenzollern et des Habsbourg et transforma de puissantes monarchies séculaires en républiques. Il s'accéléra, juste après la mort d''Abdu'l-Baha, avec la fin de la dynastie Qajar à bout de souffle en Perse et le formidable effondrement du sultanat et du califat. Il se poursuit encore, sous nos propres yeux, quand nous regardons le sort qui s'abat successivement sur les têtes couronnées du continent européen, au cours de cette lutte gigantesque et dévastatrice. Il est certain que quiconque regarderait sans passion les manifestations de ce processus révolutionnaire impitoyable pendant une période comparativement si brève ne pourrait que conclure que ces cent dernières années apparaissent comme l'une des périodes les plus cataclysmiques dans l'histoire de l'humanité en ce qui concerne le destin de la royauté.


12. L'humiliation immédiate et totale

De tous les monarques de la terre, à l'époque où Baha'u'llah, leur délivrant son message, révélait le Suriy-i-Muluk à Andrinople,l'Empereur français et le Pontife suprême étaient les plus augustes et les plus influents. Ils occupaient tous deux le premier rang, l'un dans la sphère politique, l'autre dans la religieuse, et l'humiliation qu'ils subirent tous deux fut à la fois immédiate et totale.

Napoléon III, fils de Louis Bonaparte (frère de Napoléon I) était le plus éminent des monarques de son époque à l'ouest, peu d'historiens le nieront. "L'Empereur" disait-on de lui "est l'état". La capitale française était la capitale la plus attrayante d'Europe, et la cour française "la plus brillante et luxueuse du XIXème siècle". Possédant une ambition ferme et indestructible, il aspirait à rivaliser avec l'exemple et à terminer le travail interrompu de son oncle impérial. Rêveur, conspirateur, d'une nature changeante, hypocrite et téméraire, tirant profit de la politique menée visant à encourager l'intérêt renaissant vis-à-vis de la carrière de son grand modèle, il chercha, lui l'héritier du trône napoléonien, à renverser la monarchie. Manquant sa tentative, il fut déporté en Amérique, capturé ensuite au cours d'une tentative d'invasion de la France, condamné à la captivité à perpétuité, il s'enfuit à Londres jusqu'à ce qu'en 1848, la révolution entraîne son retour et lui permette de renverser la constitution, après quoi il fut proclamé empereur. Bien que capable de faire naître des mouvements de grande envergure, il n'avait ni la sagacité, ni le courage nécessaire pour les contrôler.

A cet homme, le dernier empereur des Français, qui, par des conquêtes étrangères, s'était efforcé de rendre sa dynastie populaire, qui même avait pour idéal de faire de la France le centre d'un nouvel Empire romain - à cet homme, l'exilé d''Akka, déjà banni à trois reprises par le Sultan 'Abdu'l-'Aziz, avait fait parvenir de derrière les murs de la caserne où il était emprisonné une épître qui contenait cette accusation tout à fait claire et cette prophétie menaçante : Nous affirmons que ce qui te réveilla, ce ne furent pas leurs cris [des Turcs noyés dans la Mer Noire], mais l'impulsion de tes propres passions car nous t'avons mis à l'épreuve et nous t'avons trouvé faible.... Si tes paroles avaient été sincères, tu n'aurais pas rejeté derrière toi le Livre de Dieu [Tablette précédente] quand il t'a été envoyé par Celui qui est le Tout-Puissant, le Très-Sage.... A cause de ce que tu as fait, ton royaume sera jeté dans la confusion et ton empire t'échappera des mains, en punition de ce que tu as accompli.

Le message précédent de Baha'u'llah, transmis à l'empereur par l'un des ministres français, avait reçu un accueil dont la nature peut être devinée à partir des mots repris dans "L'Epître au Fils du Loup" : A cela [la première Tablette], il ne répondit cependant pas. Après notre arrivée dans la très grande prison, nous reçûmes une lettre de son ministre dont la première partie était en persan, et la seconde de sa propre écriture. Il y était chaleureux et écrivait ce qui suit : "J'ai remis votre lettre comme vous me l'aviez demandé et n'ai reçu jusqu'à présent aucune réponse. Pourtant, nous avions donné les recommandations nécessaires à notre ministre à Constantinople et à nos consuls dans ces régions. Si vous désirez que nous fassions quoi que ce soit, faites-le nous savoir et nous le ferons." De ces mots, il sembla clair qu'il comprenait que ce serviteur recherchait une assistance matérielle.

Dans sa première Tablette, Baha'u'llah, désirant tester la sincérité des motivations de l'empereur et adoptant délibérément un ton humble et non provocant, s'était adressé à lui dans les termes suivants, après avoir parlé des souffrances qu'il avait endurées : Deux déclarations gracieusement prononcées par le roi de l'époque sont parvenues aux oreilles de ces opprimés. Elles sont en vérité les reines de toutes les déclarations et l'on n'en a jamais entendu de semblables de la part de n'importe quel souverain. La première fut la réponse donnée au gouvernement russe lorsqu'il demanda pourquoi la guerre [de Crimée] s'abattait sur lui. Tu lui répondis : "Les cris des opprimés qui, sans faute ni offense, furent noyés dans la Mer Noire m'ont réveillé le matin. C'est pourquoi j'ai pris les armes contre toi." Ces opprimés cependant ont souffert de plus grands maux et sont dans une plus grande détresse. Alors que les épreuves infligées à ces gens ne durèrent qu'un seul jour, les tourments supportés par ces serviteurs ont duré vingt cinq ans dont chaque moment a représenté pour nous une peine douloureuse.

L'autre déclaration importante qui fut en fait une déclaration incroyable est la suivante : "Il est de notre responsabilité de venger les opprimés et de secourir les faibles." La renommée de la justice et de l'équité de l'empereur a donné l'espoir à de nombreuses âmes. Il convient au roi de l'époque de s'enquérir des conditions de ceux qui ont été maltraités et il lui appartient d'étendre son assistance aux faibles. En vérité il n'y a pas eu et il n'y a toujours pas sur terre quelqu'un qui soit aussi maltraité que nous ni aussi faible que ces vagabonds.

On rapporte que lorsqu'il reçut ce premier message, ce monarque superficiel, rusé et plein d'orgueil jeta la Tablette en disant : "Si cet homme est Dieu, alors, je suis deux dieux !" Il est clairement établi que celui qui a transmis la seconde Tablette, l'avait cachée dans son chapeau afin d'échapper à la stricte surveillance des gardes, et put la remettre à un agent français qui demeurait à Akka et qui, comme l'a affirmé Nabil dans son récit, l'a traduite en français et envoyée à l'empereur, devenant lui-même croyant lorsqu'il vit par la suite la réalisation d'une prophétie si remarquable.

La signification des paroles sombres et lourdes de sens de Baha'u'llah dans sa seconde Tablette fut bientôt révélée. Celui qui fut poussé à provoquer la guerre de Crimée à cause de ses désirs égoïstes, mû par une rancune personnelle à l'égard de l'empereur russe, impatient de déchirer le traité de 1815 afin de venger le désastre de Moscou et cherchant à couvrir son trône d'une gloire militaire, fut bientôt lui-même englouti dans une catastrophe qui le précipita dans la poussière et fit plonger la France de sa position dominante parmi les nations au rang de quatrième puissance en Europe.

La Bataille de Sedan scella en 1870 le sort de l'empereur français. Toute son armée fut détruite et se rendit, ce qui constitua la plus grande capitulation jamais vue dans l'histoire moderne. Une indemnité écrasante fut exigée. Il fut lui-même fait prisonnier. Son fils unique, le prince impérial, fut tué quelques années plus tard dans la guerre contre les Zoulous. L'empire disparut, son programme non réalisé. La République fut proclamée. Paris par conséquent fut assiégé et capitula. Puis vint "l'année terrible" marquée par la guerre civile, dépassant en férocité la guerre franco-germanique. Guillaume Ier, le roi de Prusse, fut proclamé empereur allemand dans le palais même où s'élevait un "monument puissant, symbole du pouvoir et de l'orgueil de Louis XIV, un pouvoir qui avait été consolidé dans une certaine mesure par l'humiliation de l'Allemagne." Démis par un désastre "si effroyable qu'il résonna à travers le monde", ce monarque faux et vantard dut supporter à la fin de sa vie et jusqu'à sa mort le même exil qu'il avait si impitoyablement ignoré dans le cas de Baha'u'llah.

Une humiliation moins spectaculaire et pourtant historiquement plus importante attendait le Pape Pie IX. Ce fut à lui qui se considérait comme le vicaire du Christ que Baha'u'llah écrit que la parole que le Fils [Jésus] a cachée est maintenant rendue manifeste, qu'elle a été envoyée sous la forme du temple humain, que la parole, c'était Lui et qu'Il était Lui-même le Père. Ce fut à celui qui se qualifiait lui-même de "serviteur des serviteurs de Dieu" que le Promis de tous les temps, dévoilant son rang dans sa plénitude, annonça que Celui qui est le Seigneur des seigneurs est arrivé couvert de nuages. Ce fut à lui qui clamait être le successeur de Saint Pierre que Baha'u'llah rappela que voici le jour où la pierre [Pierre] appelle et s'écrie..., disant : voilà, le père est arrivé et ce qui vous était promis dans le royaume s'est accompli. Ce fut à lui, le porteur de la triple couronne qui devint par la suite le premier prisonnier du Vatican, que le divin prisonnier d'Akka ordonna d'abandonner ses palais à qui les désirent, de vendre tous les riches ornements qu'il possédait, de les dépenser sur le chemin de Dieu, d'abandonner son royaume aux rois et de sortir de sa demeure le visage tourné vers le royaume.

Le Comte Mastai-Ferretti, Evêque d'Imola, 254ème pape depuis le début du primat de St Pierre, élevé au rang apostolique deux ans après la déclaration du Bab, et dont le pontificat dura plus longtemps que ses prédécesseurs, sera à jamais reconnu comme l'auteur de la Bulle qui déclarait l'immaculée conception de la Vierge Marie (1854) à laquelle le Kitab-i-Iqan fait référence comme étant une doctrine de l'Eglise, et comme le promulgateur du nouveau dogme de l'infaillibilité du Pape (1870). Autoritaire de nature, homme d'état médiocre, peu enclin à la conciliation, déterminé à préserver toute son autorité, il ne put finalement, alors qu'il parvenait par une attitude ultramontaine à davantage définir sa position et à renforcer son autorité spirituelle, maintenir ce pouvoir temporel que les chefs de l'Eglise catholique avaient exercé pendant tant de siècles.

Ce pouvoir temporel se réduisit à travers les âges à des proportions insignifiantes. Les décades précédant sa disparition connurent les plus grandes vicissitudes. A mesure que le soleil de la révélation de Baha'u'llah atteignait son plein éclat du midi, les ombres assaillant le patrimoine affaibli de Saint Pierre s'épaississaient. La Tablette adressée par Baha'u'llah à Pie IX précipita sa disparition. Un coup d'oeil rapide sur l'évolution de sa destinée en déclin pendant ces décades suffira. Napoléon I avait chassé le Pape de ses propriétés. Le Congrès de Vienne avait rétabli son pouvoir et mis l'administration aux mains des prêtres. La corruption, la désorganisation, l'incapacité d'assurer la sécurité intérieure, la restauration de l'inquisition, avaient amené un historien à affirmer qu'"aucune région d'Italie, peut-être même d'Europe, mis à part la Turquie n'est dirigée comme l'est cet état ecclésiastique". Rome était une "ville en ruines tant matérielle que morale".

Les insurrections amenèrent l'Autriche à intervenir. Cinq grandes puissances demandèrent d'introduire des réformes de grande envergure, le Pape promit mais n'y arriva pas. L'Autriche s'imposa à nouveau mais se heurta à la France. Toutes deux s'observèrent sur le sol papal jusqu'en 1838 lorsqu'à leur retrait, l'absolutisme fut restauré. Le pouvoir temporel du Pape fut alors dénoncé par certains de ses propres sujets, annonçant sa disparition en 1870. Des complications d'ordre intérieur le contraignirent à s'enfuir de Rome, alors proclamée république, dans la nuit noire, déguisé en humble prêtre. Il reçut par la suite des Français son ancien statut. La création du royaume d'Italie, la politique changeante de Napoléon III, le désastre de Sedan, les mauvaises actions du gouvernement papal dénoncées par Clarendon au Congrès de Paris mettant fin à la Guerre de Crimée comme étant une "honte pour l'Europe", scellèrent le destin de cette autorité chancelante.

En 1870, après que Baha'u'llah ait révélé son épître au Pape Pie IX, le Roi Victor Emmanuel II déclara la guerre aux états papaux, ses troupes entrèrent à Rome et s'en emparèrent. La veille de son occupation, le Pape se rendit à la Basilique de Latran et, malgré son âge, le visage baigné de larmes, il monta la Scala Santa sur les genoux. Le lendemain matin, comme les cannons commençaient à résonner, il fit hisser le drapeau blanc sur le dôme de Saint Pierre. Spolié, il refusa de reconnaître cette "création de la révolution", excommunia les envahisseurs de son état, traita le Roi Victor Emmanuel de "roi voleur", "qui oublie tous les principes religieux, dédaigne tous les droits, piétine toutes les lois". Rome, la "Cité éternelle sur laquelle reposent vingt-cinq siècles de gloire", dirigée sans partage par les papes pendant dix siècles, devint finalement le siège du nouveau royaume, le lieu de cette humiliation prévue par Baha'u'llah et provoquée par le prisonnier du Vatican lui-même.

"Les dernières années de la vie du vieux Pape furent douloureuses" écrit un commentateur de sa vie. "A ses infirmités physiques venait s'ajouter la peine de voir bien trop souvent la foi bafouée au coeur même de Rome, les ordres religieux spoliés et persécutés, les évêques et les prêtres privés de l'exercice de leurs fonctions".

Tous les efforts pour réparer la situation créée en 1870 furent vains. L'archevêque de Posen se rendit à Versailles pour solliciter au nom du Pape l'intervention de Bismarck, mais il fut reçut froidement. Un parti catholique fut ensuite mis sur pied en Allemagne afin d'exercer une pression politique sur le Chancelier allemand. Tout cependant fut vain. Le processus puissant dont nous avons déjà parlé devait poursuivre inexorablement sa course. Même maintenant, après plus d'un demi-siècle, la soi-disante restauration de la souveraineté temporelle n'a servi qu'à amplifier l'impuissance de ce prince jadis puissant dont le nom faisait trembler les rois qui se soumettaient volontairement à sa double souveraineté.

Cette souveraineté temporelle, pratiquement réduite à la minuscule Cité du Vatican, laissant Rome propriété incontestée d'une monarchie séculaire, s'obtint au prix d'une reconnaissance sans réserve, si longtemps refusée, du royaume d'Italie. Le Traité de Latran, qui affirme avoir résolu une fois pour toutes la Question romaine, a en fait assuré à un pouvoir séculaire, dans le respect de la Cité enclavée, une liberté d'action empreinte d'incertitudes et de dangers. "Les deux âmes de la Cité éternelle" a observé un écrivain catholique "ont été séparées l'une de l'autre pour mieux s'affronter encore qu'auparavant".

Le souverain pontife peut bien rappeler le règne du plus puissant de ses prédécesseurs, Innocent III, qui, durant les dix-huit années de son pontificat, a couronné et déposé des rois et des empereurs, dont les interdits ont empêché des nations de pratiquer le culte chrétien, dont le légat a reçu à ses pieds la couronne du roi d'Angleterre et à la voix duquel furent entreprises les quatrième et cinquième croisades.

Le processus auquel il a déjà été fait référence aurait-il pu ne pas entraîner, pendant son développement, pendant les tumultueuses années réservées à l'humanité, dans ce même domaine, une commotion encore plus dévastatrice que celle déjà provoquée ?

L'effondrement dramatique du troisième Empire et de la dynastie de Napoléon, la disparition virtuelle de la souveraineté temporelle du souverain pontife pendant la vie de Baha'u'llah ne furent que des signes précurseurs de catastrophes encore plus grandes qui ont marqué peut-on dire le ministère d'Abdu'l-Baha. Les forces libérées par un conflit dont la pleine signification reste encore insondée et constituant, on peut le dire, un prélude à la plus dévastatrice de toutes les guerres peuvent très bien être considérés comme la cause de ces terribles catastrophes. La progression de la Guerre 1914-1918 détrôna la Maison des Romanov et sa fin précipita la chute de la dynastie des Habsbourg ainsi que de celle des Hohenzollern.


13. La montée du Bolchevisme

La montée du Bolchevisme, né parmi les feux de cette lutte indécise, ébranla le trône des tsars et le renversa. Alexandre II Nicolaevitch à qui Baha'u'llah avait ordonné dans sa Tablette de se lever... et d'appeler les nations à Dieu, qui, à trois reprises, fut prévenu : prends garde que tes désirs ne t'empêchent de te tourner vers la face de ton Seigneur, prends garde de ne point troquer ce rang sublime, prends garde que ta souveraineté ne te retienne loin de Celui qui est le Souverain suprême, ne fut pas en fait le dernier des tsars à diriger son pays mais plutôt l'initiateur d'une politique rétrograde qui s'avéra finalement fatale tant pour lui-même que pour sa dynastie.

Dans les dernières années de son règne, il introduisit une politique réactionnaire qui, en suscitant une désillusion largement répandue, fit naître le nihilisme qui, en se propageant, marqua le début d'une période de terrorisme d'une violence sans précédent, menant à son tour à plusieurs attentats contre sa vie, et culminant par son assassinat. La politique de son successeur Alexandre III, qui "adopta une attitude de méfiante hostilité à l'égard des innovateurs et des libéraux" fut guidée par une sévère répression. La tradition d'absolutisme inconditionné, d'orthodoxie religieuse extrême, fut poursuivie par l'encore plus sévère Nicolas II, le dernier des tsars qui, guidé par les conseils d'un homme qui était "l'incarnation même d'un despotisme borné, obstiné", assisté par une bureaucratie corrompue et humilié par les effets désastreux d'une guerre étrangère, fit s'accroître le mécontentement général des masses, aussi bien des intellectuels que des paysans. Pour un temps cantonné à des filières souterraines et intensifié par des revers militaires, ce mouvement explosa finalement au milieu de la Grande Guerre sous forme d'une révolution qui ne connut guère de pareil dans l'histoire moderne, par les principes qu'elle défiait, par les institutions qu'elle renversait et par les ravages qu'elle entraînait.

Les fondations de ce pays furent saisies et secouées par un grand tremblement. La lumière de la religion s'affaiblit. Les institutions ecclésiastiques de tous noms furent balayées. L'état religieux fut privé de ses dotations, persécuté et aboli. Un vaste empire fut démembré. Un prolétariat militant, triomphant, exila les intellectuels, dépouilla et massacra la noblesse. La guerre civile et la maladie décimèrent une population déjà en proie aux souffrances et au désespoir. Et finalement, le maître d'un puissant empire, ainsi que son épouse, sa famille, sa dynastie, furent précipités dans le tourbillon de cette grande convulsion et périrent.

Le jugement même qui amoncela tant de terribles malheurs sur l'empire des tsars aboutit dans son stade ultime à la chute du puissant Kaiser allemand ainsi qu'à celle de l'héritier du jadis célèbre saint Empire romain. Il brisa tout l'édifice de l'Allemagne impériale qui avait émergé du désastre qui engloutit la dynastie napoléonienne, et porta un coup fatal à la double monarchie.

Près d'un demi siècle auparavant, Baha'u'llah qui avait prédit en des termes clairs et retentissants la chute honteuse du successeur du grand Napoléon avait lancé dans le Kitab-i-Aqdas un avertissement non moins significatif au Kaiser Guillaume Ier, le récent vainqueur, et avait prophétisé, dans son apostrophe aux rives du Rhin, en des termes tout aussi clairs, le deuil qui allait envahir la capitale du nouvel empire fédéré.

Baha'u'llah s'adressa à lui en ces termes : Te souviens-tu de celui dont la puissance dépassait ta puissance [Napoléon] et dont le rang dépassait ton rang .... O roi, songe à lui et à ceux qui, comme toi, ont conquis des villes et régné sur des hommes. Et aussi : O rives du Rhin ! Nous vous avons vues couvertes de sang, car les épées du châtiment étaient tirées contre vous. Et cela se produira encore. Et nous entendons les lamentations de Berlin bien que, en ce jour, sa gloire soit évidente.

Sur celui qui, dans sa vieillesse, connut deux attentats à sa vie perpétrés par les partisans de la vague montante du socialisme; sur son fils Frédéric III, dont le règne de trois mois fut éclipsé par une maladie mortelle; et enfin sur son petit-fils, Guillaume II, l'obstiné et présomptueux monarque, destructeur de son propre empire - sur eux retomba, à des degrés divers, tout le poids des responsabilités résultant de ces terribles discours.

Guillaume Ier, premier empereur d'Allemagne et septième roi de Prusse, qui passa toute sa vie à l'armée, jusqu'à son accession au pouvoir, était un dirigeant militariste, autocratique, rempli d'idées dépassées, qui, aidé par un homme d'état considéré à juste titre comme "l'un des génies de ce siècle", initia une politique qui inaugura, on peut le dire, une nouvelle ère non seulement pour la Prusse, mais pour le monde. Cette politique fut menée avec une conscience caractéristique et parachevée par les mesures répressives prises pour la défendre et la soutenir, par les guerres déclarées pour la réaliser et par les coalitions politiques formées ensuite pour l'exalter et la renforcer, coalitions qui eurent tant de conséquences désastreuses pour le continent européen.

Guillaume II, d'un tempérament dictatorial, politiquement inexpérimenté, militairement belliqueux, religieusement hypocrite, se fit passer pour l'apôtre de la paix en Europe tout en insistant en fait sur "la main gantelée" et "l'armure luisante". Irresponsable, imprudent, démesurément ambitieux, sa première action fut de démettre de ses fonctions cet homme d'état avisé, le véritable fondateur de son empire, à qui Baha'u'llah rendit hommage pour son intelligence et dont 'Abdu'l-Baha confirma la stupidité de son maître impérial et ingrat. La guerre en réalité devint une religion dans son pays et en élargissant la portée de ses activités diverses, il oeuvra à préparer la voie à cette catastrophe finale qui devait le détrôner lui et sa dynastie. Et lorsqu'éclata la guerre, que la puissance de ses armées parut surpasser ses adversaires et que la nouvelle de ses triomphes se répandit au loin, résonnant aussi loin qu'en Perse, des voix se levèrent pour ridiculiser les passages du Kitab-i-Aqdas qui prédisaient si clairement les malheurs qui devaient s'abattre sur sa capitale.

Soudainement cependant, des revers rapides et imprévisibles le frappèrent mortellement. La révolution éclata. Guillaume II, désertant ses armées, s'enfuit honteusement en Hollande, suivi par le prince impérial. Les princes des états allemands abdiquèrent. Une période de chaos s'ensuivit. Le drapeau communiste fut hissé dans la capitale qui devint un chaudron de confusion et de contestation civile. Le Kaiser signa son abdication. La constitution de Weimar établit la république, brisant sur le sol la terrible structure élaborée avec tant de soins par une politique de sang et de fer. Tous les efforts, qui, par une législation intérieure et par des guerres extérieures, avaient été consentis depuis l'accession de Guillaume Ier au trône de la Prusse, furent réduits à néant. Les lamentations de Berlin, torturée par les termes d'un traité odieux dans sa sévérité, s'élevèrent, faisant contraste avec les cris de victoire hilares qui résonnèrent un demi siècle auparavant dans la salle des miroirs du Palais de Versailles.

Le monarque Habsbourg, héritier de siècles d'histoire glorieuse, dégringola en même temps de son trône. C'était François Joseph, à qui Baha'u'llah reprocha dans le Kitab-i-Aqdas d'avoir manqué à son devoir qui était d'examiner sa Cause, sans même rechercher sa présence, alors qu'il lui était si accessible lors de sa visite en terre sainte. Tu es passé près de lui reproche-t-il à l'empereur pèlerin, et tu ne t'es pas enquis de lui.... Nous avons été de tous temps avec toi et nous t'avons trouvé accroché à la branche sans te soucier de la racine.... Ouvre les yeux afin de contempler cette glorieuse vision, de reconnaître Celui que tu invoques jour et nuit et de fixer la lumière qui brille au-dessus de cet horizon lumineux.

Dès que ces mots furent prononcés, la maison des Habsbourg où le titre impérial était resté de façon presqu'héréditaire pendant près de cinq siècles fut de plus en plus menacée par les forces de la désintégration intérieure, sema les graines d'un conflit extérieur et finit par succomber à ces deux situations. François Joseph, empereur d'Autriche, roi de Hongrie et dirigeant réactionnaire, rétablit les anciens abus, ignora les droits des nationalités et restaura cette centralisation bureaucratique qui s'avéra finalement si préjudiciable à son empire. Des tragédies répétées assombrirent son règne. Son frère Maximilien fut abattu à Mexico. Le prince impérial Rodolphe mourut dans une affaire déshonorante. L'impératrice fut assassinée à Genève. L'archiduc François Ferdinand et sa femme furent tués à Sarajevo, allumant une guerre au milieu de laquelle l'empereur lui-même mourut, mettant fin à un règne sans précédent au niveau des malheurs qu'il apporta à la nation.


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