Voici le Jour promis
Shoghi Effendi
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Chapitre 29 à 34
29. Les piliers affaiblis de la religion
Il faut non seulement tenir pour responsables l'irréligion et son monstrueux
rejeton, le triple fléau qui oppresse l'âme de l'humanité en ce jour, des malheurs
qui l'assaillent si tragiquement, mais aussi considérer que d'autres maux et
vices qui sont pour la plupart les conséquences directes de l'affaiblissement
des piliers de la religion constituent des facteurs qui ont contribué aux
fautes multiples dont les individus et les nations se sont rendus coupables.
Les signes de l'effondrement moral, faisant suite au détrônement de la religion
et au couronnement de ces idoles usurpatrices, sont trop nombreux et évidents,
même pour un observateur superficiel de l'état de la société actuelle, pour
ne pas les remarquer.
Le développement de l'anarchie, de l'ivresse, du jeu et du crime ; l'amour excessif
du plaisir, des richesses et d'autres vanités terrestres ; le laxisme de la
morale se révélant dans l'attitude irresponsable face au mariage, dans l'affaiblissement
du contrôle parental, dans la vague montante de divorces, dans la détérioration
du niveau de la littérature et de la presse, et dans la défense de théories
qui sont la négation même de la pureté, de la moralité et de la chasteté - ces
preuves de la décadence morale qui envahissent l'est et l'ouest, infiltrant
chaque couche de la société et instillant leur poison chez les membres des deux
sexes, chez les jeunes et les vieux, viennent noircir encore plus le rouleau
sur lequel sont inscrites les multiples transgressions d'une humanité non repentante.
Il n'est pas étonnant que Baha'u'llah, le médecin divin, ait déclaré : En
ce jour, les goûts des hommes ont changé et leur pouvoir de perception s'est
altéré. Les vents contraires du monde et ses couleurs ont provoqué un refroidissement
et privé les narines de l'homme des douces saveurs de la révélation.
Débordante et amère est en réalité la coupe de l'humanité qui n'a pu répondre
aux appels de Dieu lancés par son messager suprême, qui a mis en veilleuse la
lampe de sa foi en son Créateur, qui a transféré, dans une si grande mesure,
aux dieux de sa propre invention l'allégeance qu'elle Lui devait, et s'est souillée
des maux et des vices qu'un tel transfert ne pouvait qu'engendrer.
Chers amis ! C'est sous cette lumière que nous devons, nous, disciples de Baha'u'llah,
considérer ce châtiment de Dieu qui, dans les dernières années du premier siècle
de l'ère baha'ie, s'abat sur tout le monde et qui a jeté dans une telle confusion
les affaires de l'humanité. C'est à cause de cette double faute, ses actions
et son manque d'actions, de ses délits aussi bien que de son incapacité pitoyable
et notoire à accomplir ce qui était son devoir clair et indubitable envers Dieu,
son messager et sa Foi, que cette pénible épreuve l'a saisie de sa poigne de
fer, quelles qu'en soient les causes politiques et économiques immédiates.
Dieu cependant, comme cela a été souligné tout au début de ces pages, ne punit
pas que les mauvaises actions de ses enfants. Il châtie parce qu'Il est juste,
Il corrige parce qu'Il aime.Les ayant châtiés, Il ne peut, dans sa grande miséricorde,
les laisser à leur propre sort. En fait, par l'action même de les châtier, Il
les prépare à la mission pour laquelle Il les a créés. Il leur a assuré, par
la bouche de Baha'u'llah : Ma calamité est ma providence, extérieurement,
ce sont le feu et la vengeance, mais intérieurement, ce sont la lumière et la
miséricorde.
Les flammes que sa justice divine ont allumées lavent une humanité non convertie
et font fondre ses éléments discordants et contraires comme aucun autre agent
ne pourrait le faire. Ce n'est pas seulement un feu vengeur et destructeur,
mais aussi un processus disciplinaire et créatif dont le but est de sauver,
en l'unifiant, la planète toute entière. Mystérieusement, lentement et irrésistiblement,
Dieu accomplit son dessein même si la vue qui s'offre à nos yeux aujourd'hui
est le spectacle d'un monde désespérément pris dans ses propres filets, tout
à fait insouciant de la voix qui, pendant un siècle, l'a appelé à Dieu et lamentablement
soumis aux voix des sirènes qui tentent de l'attirer vers les abîmes sans fin.
30. Le dessein de Dieu
Le dessein de Dieu n'est autre que d'inaugurer, par des voies que Lui seul peut
susciter et dont Lui seul peut comprendre toute la signification, le Grand Age,
l'Age d'Or d'une humanité longtemps divisée et éprouvée. Sa situation actuelle,
et même son avenir proche, sont sombres, désespérément sombres. Mais son avenir
lointain est lumineux, glorieusement lumineux - si lumineux qu'aucun oeil ne
peut le visualiser.
En analysant la destinée immédiate de l'humanité, Baha'u'llah écrit : Hélas,
les vents du désespoir soufflent de toutes parts et les querelles qui divisent
et font souffrir la race humaine se multiplient de jour en jour. On peut voir
à présent les signes de bouleversements et de chaos imminents car l'ordre actuel
apparaît dans toute son imperfection lamentable. A un autre propos, il a
déclaré : Sa situation sera si critique qu'il ne serait ni convenable, ni
vraisemblable d'en parler maintenant.
D'autre part, contemplant l'avenir de l'humanité, il a prophétisé avec emphase,
lors son mémorable interview accordé à l'orientaliste persan Edward G. Brown
: Ces querelles stériles, ces guerres ruineuses, cesseront et la très Grande
Paix arrivera.... Ces querelles, ces carnages et cette discorde doivent cesser
et tous les hommes seront comme une seule tribu, comme une seule famille.
Il prédit : Bientôt, l'ordre actuel sera relevé et un nouvel ordre apparaîtra
à sa place. Il a également écrit : Après un moment, tous les gouvernements
de la terre changeront. L'oppression enveloppera le monde. Et après une convulsion
universelle, le soleil de la justice se lèvera sur l'horizon du royaume invisible.
Il a en plus déclaré : Toute la terre est comme si elle était enceinte maintenant.
Le jour approche où elle produira ses meilleurs fruits, où sur elle jailliront
les arbres les plus hauts, les fleurs les plus enchanteresses, les grâces les
plus célestes. De même 'Abdu'l-Baha a écrit : Toutes les nations et toutes
les tribus... deviendront une nation. L'antagonisme religieux et sectaire, l'hostilité
entre les races et les peuples, les différences entre les nations, seront éliminés.
Tous les hommes adhéreront à une seule religion, auront une Foi commune, se
fondront en une seule race et deviendront un seul peuple. Tous vivront dans
une même patrie qui sera la planète elle-même.
Ce que nous voyons aujourd'hui, pendant cette crise la plus grave de toute
l'histoire de la civilisation, qui nous rappelle ces époques où des religions
ont péri et d'autres sont nées, c'est l'âge de l'adolescence dans la lente
et douloureuse évolution de l'humanité, qui prépare l'âge de la maturité dont
la promesse se trouve dans les enseignements et dans les prophéties de Baha'u'llah.
Le tumulte de cet âge de transition est caractéristique de l'impétuosité et
des instincts irrationnels de la jeunesse, de ses folies, de sa prodigalité,
de sa fierté, de son assurance, de sa révolte et de son mépris de la discipline.
31. Le grand âge à venir
Les temps de sa tendre enfance et de son enfance sont révolus et ne reviendront
jamais alors que le Grand Age, l'achèvement de tous les âges, qui sera le signal
de la maturité de toute la race humaine doit encore arriver. Les convulsions
de cette période transitoire et très agitée dans les annales de l'humanité constituent
les conditions préalables et annoncent l'approche inévitable de cet Age des
âges, le temps de la fin, où la folie et le tumulte du conflit qui a,
depuis l'aube de l'histoire, assombri les annales de l'humanité, finiront par
se transformer en sagesse et tranquillité d'une paix que rien ne vient troubler,
universelle et durable où la discorde et la séparation des enfants des hommes
seront remplacées par la réconciliation mondiale et l'unification complète des
divers éléments qui constituent la société humaine.
Ceci sera en réalité la juste apogée de ce processus d'intégration qui, commençant
par la famille, la plus petite unité sur l'échelle de l'organisation humaine,
doit, après avoir successivement fait naître la tribu, la cité-état et la nation,
continuer à agir jusqu'à ce qu'il culmine avec l'unification du monde entier,
objet final et gloire suprême de l'évolution humaine sur cette planète. C'est
vers cette étape que tend inexorablement l'humanité, volontairement ou pas.
C'est pour cette étape que cette vaste, cette impétueuse épreuve que l'humanité
traverse prépare mystérieusement le terrain. C'est à cette étape que sont indissolublement
liés le sort et le dessein de la Foi de Baha'u'llah. Ce sont les énergies créatrices
que sa révélation a libérées en l'an soixante, renforcées par la suite
par les effusions successives de pouvoir céleste accordées à l'humanité entière
en l'an neuf et en l'an quatre-vingts qui ont inculqué à l'humanité
la capacité d'atteindre cette étape ultime de son évolution organique et collective.
C'est à l'Age d'or de sa dispensation que l'achèvement de ce processus sera
à jamais associé. C'est la structure de son nouvel ordre mondial, remuant à
présent dans les entrailles des institutions administratives qu'il a lui-même
créées, qui servira à la fois de modèle et de noyau à cette communauté de bien-être
mondial qui est la destinée certaine et inévitable des peuples et des nations
de la terre.
Tout comme l'évolution organique de l'humanité a été lente et graduelle et a
successivement impliqué l'unification de la famille, de la tribu, de la cité-état
et de la nation, la lumière diffusée par la révélation de Dieu, à différents
stades de l'évolution de la religion, et réfléchie dans les diverses dispensations
du passé, fut lente et progressive. En réalité, la mesure de la révélation divine,
à chaque époque, a été adaptée et proportionnelle au degré de progrès social
atteint à cette époque par une humanité qui ne cesse d'évoluer.
Baha'u'llah explique : Nous avons décrété que la Parole de Dieu et toutes
les possibilités qui en découlent doivent être livrées aux hommes de façon tout
à fait conforme aux conditions qui ont été préordonnées par Celui qui est l'Omniscient,
le Très-Sage.... Si la Parole pouvait soudainement libérer toutes les énergies
latentes en elle, aucun homme ne pourrait soutenir le poids d'une révélation
aussi puissante.
'Abdu'l-Baha, élucidant cette vérité, a affirmé : toutes les choses créées
ont leur degré ou leur niveau de maturité. La période de maturité dans la vie
d'un arbre, c'est l'époque où il porte des fruits.... L'animal connaît un stade
de pleine croissance et de plénitude, et dans le royaume humain, l'homme atteint
sa maturité lorsque la lumière de son intelligence arrive à sa puissance et
à son développement les plus grands.... De même, il existe des périodes et des
étapes dans la vie collective de l'humanité. Elle est passée à une époque par
le stade de l'enfance, à une autre époque par celui de la jeunesse et entre
à présent dans sa phase de maturité prévue depuis longtemps et dont les preuves
sont partout apparentes.... Ce qui répondait aux besoins humains au début de
l'histoire de la race humaine ne peut plus ni rencontrer, ni satisfaire les
demandes d'aujourd'hui, période de nouveauté et de consommation. L'humanité
a émergé de son stade antérieur, limité et peu formé.
L'homme doit à présent acquérir de nouvelles vertus et de nouveaux pouvoirs,
de nouvelles normes morales, de nouvelles capacités. Des dons nouveaux, des
grâces parfaites, l'attendent et descendent déjà sur lui. Les dons et les grâces
accordés pendant la période de la jeunesse, bien qu'opportuns et suffisants
pendant l'adolescence de l'humanité, sont à présent impuissants face aux exigences
de sa maturité. Il a en outre écrit : Dans chaque dispensation, la lumière
de la direction divine s'est concentrée sur un thème central.... Dans cette
merveilleuse révélation, ce siècle glorieux, le fondemenat de la Foi de Dieu,
et la caractéristique particulière de sa loi, est la prise de conscience de
l'unicité de l'humanité.
32. Religion et évolution sociale
La révélation associée à la Foi de Jésus-Christ concentrait en premier lieu
son attention sur la rédemption de l'individu et la formation de sa conduite,
et soulignait, comme thème central, la nécessité d'inculquer des normes élevées
de moralité et de discipline à l'homme en tant qu'unité fondamentale dans la
société humaine. Nous ne trouvons nulle part dans l'Evangile une référence à
l'unité des nations ni à l'unification de l'humanité en général. Lorsque Jésus
parlait à ceux qui l'entouraient, il s'adressait à eux principalement en tant
qu'individus plutôt qu'en tant que parties composantes d'une entité universelle
indivisible.
Toute la surface de la terre n'était pas encore explorée à cette époque et par
conséquent, l'organisation de tous ses peuples et de toutes ses nations en une
seule unité ne pouvait être envisagée, encore moins proclamée ou établie. Quelle
autre interprétation donner à ces paroles que Baha'u'llah destinait particulièrement
aux disciples de l'Evangile et où la différence fondamentale entre la mission
de Jésus-Christ, relative essentiellement à l'individu, et son propre message,
plus particulièrement adressé à l'humanité entière, a été établie avec précision
: En vérité, il [Jésus] dit : "Suivez-moi et je vous ferai pêcheurs d'hommes"
En ce jour cependant nous disons : "Suivez-moi et je vous ferai générateurs
de vie pour l'humanité."
La Foi de l'Islam, lien suivant dans la chaîne de la révélation divine, introduisait,
comme Baha'u'llah lui-même l'affirme, le concept de la nation comme étant une
unité et une étape vitale dans l'organisation de la société humaine et la personnifiait
dans son enseignement. C'est en fait ce que signifie cette déclaration brève
et cependant très significative et éclairante de Baha'u'llah : Jadis [la
dispensation islamique], il a été révélé : "L'amour de son pays est un élément
de la Foi de Dieu". Ce principe fut établi et souligné par l'apôtre de Dieu
car l'évolution de la société humaine le nécessitait à cette époque. De même
aucune étape au-dessus et au-delà de celle-là n'aurait pu être envisagée sans
l'obtention préalable des conditions mondiales préparatoires à l'établissement
d'une forme supérieure d'organisation. On peut dès lors dire que le concept
de nationalité, l'accès à l'état de nation, sont des caractéristiques spécifiques
à la dispensation de Muhammad au cours de laquelle les nations et les races
du monde, particulièrement en Europe et en Amérique, furent unifiées et atteignirent
leur indépendance politique.
'Abdu'l-Baha lui-même explique cette vérité dans l'une de ses Tablettes : Dans
les cycles passés, bien qu'il y ait harmonie, l'unité de l'humanité entière
ne pouvait se réaliser en raison de l'absence de moyens. Les continents restaient
largement divisés et même parmi les peuples d'un seul et même continent, l'association
et l'échange de pensées étaient quasiment impossibles. Dès lors, les échanges,
la compréhension et l'unité parmi tous les peuples et toutes les tribus de la
terre étaient inaccessibles. Aujourd'hui cependant les moyens de communication
se sont multipliés et les cinq continents de la terre se sont virtuellement
fondus en un seul....
De même, tous les membres de la famille humaine, que ce soient les peuples ou
les gouvernements, les villes ou les villages, sont devenus de plus en plus
interdépendants. L'auto-suffisance n'est plus possible pour aucun d'entre eux
car des liens politiques unissent tous les peuples et les nations, et les liens
commerciaux et industriels, agricoles et scolaires, se renforcent chaque jour.
Dès lors l'unité de toute l'humanité peut à présent se réaliser. En vérité ceci
n'est rien d'autre qu'un des prodiges de cette époque merveilleuse, de ce siècle
de gloire. Les temps passés en ont été privés car ce siècle - le siècle de la
lumière - a reçu une gloire, un pouvoir et une illumination uniques et sans
précédent. D'où l'apparition miraculeuse chaque jour d'une nouvelle merveille.
Finalement, on verra avec quelle intensité ses bougies brilleront dans l'assemblage
de l'homme.
Il explique plus loin : Regardez comme sa lumière se lève à présent sur l'horizon
obscurci du monde. La première bougie est l'unité dans le royaume politique
dont on peut voir maintenant les premières lueurs. La deuxième bougie est l'unité
de pensée dans les affairees mondiales qui se réalisera. La troisième bougie
est l'unité dans la liberté qui arrivera sans aucun doute. La quatrième bougie
est l'unité dans la religion qui constitue la pierre angulaire de la fondation
elle-même et qui, par le pouvoir de Dieu, sera révélée dans toute sa splendeur.
La cinquième bougie est l'unité des nations - une unité qui s'établira solidement
en ce siècle, entraînant tous les peuples du monde à se considérer comme des
citoyens d'une même patrie. La sixième bougie est l'unité des races, qui fait
de tous ceux qui vivent sur la terre des peuples et des tribus d'une seule race.
La septième bougie est l'unité de la langue c'est-à-dire le choix d'une langue
universelle dans laquelle tous les peuples seront instruits et parleront. Chacun
de ces événements se produira inévitablement car le pouvoir du royaume de Dieu
assistera et aidera leur réalisation.
Dans son "Certains répondent aux questions", 'Abdu'l-Baha a affirmé : (déjà
traduit p.231 de l'Ere Nouvelle)Au jour de l'apparition de cette branche
incomparable [Baha'u'llah], l'un des grands événements marquants sera la levée
de l'étendard de Dieu par toutes les nations ; c'est-à-dire que toutes les nations
et les tribus viendront sous l'ombre de ce drapeau divin qui n'est autre que
cette branche majestueuse, et qu'elles deviendront une nation unique. L'antagonisme
des croyances et des religions, l'hostilité des races et des peuples, et les
divisions dues au patriotisme disparaîtront parmi les hommes. Ils seront réunis
en une seule religion, une Foi, une race et deviendront un seul peuple habitant
un même pays natal : le globe terrestre.(fin passage existant)
Ceci est l'étape vers laquelle approche le monde aujourd'hui, l'étape de l'unité
mondiale, qui sera fermement établie en ce siècle, comme 'Abdu'l-Baha nous l'affirme.
Baha'u'llah lui-même dit : La Langue de grandeur a proclamé ... le jour de
sa manifestation : "Il n'appartient pas à celui qui aime son pays de s'en enorgueillir,
mais bien à celui qui aime le monde." Il ajoute, A travers la puissance
libérée par ces paroles exaltées, il a donné une nouvelle impulsion et fixé
une nouvelle direction aux oiseaux du coeur des hommes, et il a effacé toute
trace de restriction et de limitation du Livre sacré de Dieu.
33. La loyauté plus large, globale
Il convient cependant d'émettre une mise en garde à cet égard. L'amour de son
pays, inculqué et souligné par l'enseignement de l'Islam en tant qu'éléments
de la Foi de Dieu, n'a été dans cette déclaration, dans cet appel claironné
par Baha'u'llah, ni condamné, ni dénigré. On ne doit pas, et en fait on ne peut
pas, l'analyser comme un désaveu, ni la considérer comme une censure élevée
contre un patriotisme sain et intelligent, et de même elle ne recherche pas
à miner la soumission et la loyauté de chaque individu à son pays et ne se trouve
pas en conflit avec les aspirations légitimes, les droits et les devoirs de
n'importe quel état ou de n'importe quelle nation. Tout ce qu'elle signifie
et affirme, c'est que le patriotisme ne suffit pas vu les changements fondamentaux
qui se produisent dans la vie économique de la société et l'interdépendance
des nations, et vu la contraction du monde grâce à la révolution de ses moyens
de transport et de communication - conditions qui n'existaient pas et ne pouvaient
exister ni à l'époque de Jésus-Christ, ni à celle de Muhammad. Cela nécessite
une loyauté plus large qui n'est pas et ne doit pas être en réalité en conflit
avec des loyautés plus étroites.
Elle implique un amour qui, vu sa portée, doit inclure et non exclure l'amour
de son pays.
Elle jette, par cette loyauté qu'elle inspire et cet amour qu'elle insuffle,
les seules fondations sur lesquelles le concept de citoyenneté mondiale pourra
se développer et la structure de l'unification du monde reposer.
Elle insiste cependant sur la subordination des considérations nationales et
des intérêts particuliers aux revendications impératives et souveraines de l'humanité
en général puisque dans un monde de nations et de peuples interdépendants, le
bien d'une partie se réalise mieux à travers le bien de toute l'entité.
Le monde se dirige en vérité vers sa destinée. L'interdépendance des peuples
et des nations de la terre, quoi que puissent dire ou faire les chefs des forces
divisionnistes du monde, est déjà un fait accompli. Son unité dans la sphère
économique est maintenant comprise et reconnue. Le bien-être des parties signifie
le bien-être de la totalité et l'épuisement d'une partie entraîne l'épuisement
du tout. La révélation de Baha'u'llah a, en ses propres termes, donné une nouvelle
impulsion et fixé une nouvelle direction à ce vaste processus maintenant à l'oeuvre
dans le monde. Les feux allumés par ce grand châtiment sont les conséquences
de l'incapacité de l'homme à le reconnaître. Ils hâtent en outre son achèvement.
L'adversité prolongée, mondiale, pénible, alliée au chaos et à la destruction
universelle, ne peut qu'ébranler les nations, réveiller la conscience du monde,
dégriser les masses, précipiter un changement radical dans la conception même
de la société et finalement faire fondre les membres disloqués et ensanglantés
de l'humanité en un seul corps organiquement uni et indivisible.
34. La Communauté mondiale
J'ai déjà parlé dans mes précédentes communications du caractère général, des
implications et des caractéristiques de cette Communauté mondiale qui doit émerger
tôt ou tard du carnage, de l'agonie et du tumulte de cette grande convulsion
mondiale. Il me suffit de dire que cet achèvement sera, par sa nature même,
un processus progressif et doit, comme Baha'u'llah lui-même l'a prévu, mener
tout d'abord à l'établissement de la moindre Paix que les nations de la terre
instaureront elles-mêmes, inconscientes pour l'instant de sa révélation et appliquant
sans le savoir les principes généraux qu'il a énoncés. Cette étape importante
et historique, qui nécessite la reconstruction de l'humanité, suite à la reconnaissance
universelle de son unicité et de sa globalité, entraînera dans son sillage la
spiritualisation des masses après la reconnaissance du caractère et des revendications
de la Foi de Baha'u'llah - condition essentielle à cette fusion finale de toutes
les races, de toutes les confessions, de toutes les classes et nations qui sera
le signe de l'apparition de son nouvel ordre mondial.
Alors la maturité de toute l'espèce humaine sera proclamée et célébrée par tous
les peuples et toutes les nations de la terre. Alors la bannière de la très
grande Paix sera hissée. Alors la souveraineté mondiale de Baha'u'llah - celui
qui a établi le royaume du Père annoncé par le Fils et attendu par les prophètes
de Dieu avant lui et après lui - sera reconnue, acclamée et solidement établie.
Alors naîtra, fleurira et se perpétuera une civilisation mondiale, une civilisation
remplie de tant de vie que le monde n'a jamais vu cela et ne peut même pas la
concevoir.
Alors l'Alliance éternelle sera complètement réalisée. Alors la promesse sertie
dans tous les Livres de Dieu s'accomplira, toutes les prophéties annoncées par
les prophètes de jadis se réaliseront ainsi que les visions des voyants et des
poètes. Alors la planète, galvanisée par la croyance universelle de ses habitants
en un seul Dieu, et par leur allégeance à une seule révélation commune, sera
le miroir, dans les limites imposées, des gloires éclatantes de la souveraineté
de Baha'u'llah brillant dans la plénitude de sa splendeur dans le paradis d'Abha,
deviendra le tabouret de son trône céleste et sera acclamée comme un paradis
terrestre capable de réaliser cette indicible destinée qui lui était réservé,
depuis des temps immémoriaux, grâve à l'amour et à la sagesse de son Créateur.
Ce n'est pas à nous, simples mortels que nous sommes, à une époque si critique
de la longue et tumultueuse histoire de l'humanité, d'arriver à comprendre avec
précision et de façon satisfaisante les pas qui amèneront une humanité ensanglantée,
pitoyablement ignorante de son Dieu, et insoucieuse de Baha'u'llah, de son calvaire
à sa résurrection finale. Ce n'est pas à nous, témoins vivants de la puissance
de sa Foi qui domine tout, de douter un instant, quelle que soit l'ampleur de
la misère noire qui endeuille le monde, de la capacité de Baha'u'llah à faire,
avec le marteau de sa volonté, par le feu de l'épreuve, sur l'enclume de cette
époque douloureuse et sous la forme particulière que son esprit avait imaginé,
de ces fragments éparpillés et mutuellement destructeurs dans lesquels un monde
perverti est tombé, une seule unité, solide et indivisible, capable de réaliser
son dessein pour les enfants des hommes.
Il nous appartient plutôt, quelle que soit la confusion de la scène, quelle
que soit la tristesse de l'horizon actuel, quelle que soit la limite de nos
ressources, d'oeuvrer sereinement, avec confiance, et sans relâche, afin d'apporter
notre part de soutien, de quelle que façon que les circonstances nous le permettent,
à la mise en oeuvre des forces qui, ordonnées et dirigées par Baha'u'llah, mènent
l'humanité hors de cette vallée de la misère et de la honte vers les plus hauts
sommets du pouvoir et de la gloire.
Shoghi
A Dieu adoré et aux servantes du Miséricordieux à l'ouest.
Haïfa, Palestine
Le 28 mars 1941