La chronique
de Nabil
Nabil-i-A'zam
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CHAPITRE XXV : voyage de Baha'u'llah à Karbila
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Depuis que j'ai commencé à écrire ma chronique, j'ai toujours eu la ferme intention
d'inclure, dans les récits que je ferais concernant les premiers jours de cette
révélation, ces joyaux d'une valeur inestimable que j'ai eu le privilège d'entendre,
de temps à autre, de la bouche même de Baha'u'llah. Ces paroles, dont certaines
s'adressaient à moi seul et dont d'autres étaient pour mes condisciples et moi
alors que nous étions assis en sa présence, ont principalement trait aux épisodes
mêmes que j'ai tenté de décrire. Les commentaires de Baha'u'llah sur la conférence
de Badasht et ses références au tumulte qui en marqua les phases finales, auxquels
j'ai fait allusion dans un chapitre antérieur, ne sont que des exemples des passages
par lesquels j'espère enrichir et ennoblir mon récit.
À la fin de la description de la bataille de Zanjan, je fus introduit auprès de
Baha'u'llah et reçus, avec quelques autres croyants, les bénédictions qu'à deux
occasions il daigna nous conférer. Les deux visites eurent lieu durant les quatre
jours que Baha'u'llah décida de passer chez Aqay-i-Kalim. La deuxième et la quatrième
nuit après son arrivée chez son frère, qui eut lieu le 7 du mois de jamadyu'l-avval
de l'an 1306 après l'hégire (25.1), je fus, ainsi que quelques
pèlerins de Sarvistan et de Faran et quelques croyants résidant dans la ville,
admis en sa présence. Les paroles qu'il nous adressa resteront à jamais gravées
dans mon coeur, et je sens qu'il est de mon devoir envers mes lecteurs de leur
faire part de l'essentiel de son discours.
"Loué soit Dieu, dit-il, de ce que tout ce qui est essentiel et qui devait être
dit aux croyants dans cette révélation ait été révélé. Leurs devoirs ont été clairement
définis et les actes qu'ils sont censés accomplir ont été exposés dans notre Livre.
A présent, il est temps pour eux de se lever pour accomplir leur devoir. Qu'ils
traduisent en actes les exhortations que nous leur avons adressées. Qu'ils prennent
garde à ce que l'amour qu'ils ont pour Dieu, et qui brille avec tant d'éclat dans
leur coeur, ne leur fasse dépasser les limites de la modération et aller au-delà
des bornes que nous leur avons fixées.
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A ce sujet, nous avons écrit, lors de notre séjour en 'Iraq, à Haji Mirza Musay-i-Qumi
ce qui suit: "La réserve dont vous devez faire preuve doit être telle que si vous
buviez aux sources de la foi et de la certitude toutes les rivières du savoir,
vos lèvres ne doivent jamais être autorisées à révéler soit à un ami, soit à un
étranger, la merveille de la gorgée que vous avez bue. Bien que votre coeur soit
enflammé par son amour, prenez garde de ne pas laisser découvrir à qui que ce
soit votre agitation et, bien que votre âme soit houleuse tel un océan, ne souffrez
pas que la sérénité de vos traits soit troublée ni que la manière de vous comporter
ne révèle l'intensité de vos émotions."
"Dieu sait qu'à aucun moment, nous n avons tenté de nous cacher ou de dissimuler
la cause que nous avons la charge de proclamer. Bien que nous ne portions point
le vêtement des gens de savoir, nous avons, à maintes reprises, affronté des hommes
de grande érudition, raisonné avec eux aussi bien à Nur qu'au Mazindaran, et nous
avons réussi à les convaincre de la vérité de cette révélation. Nous n'avons jamais
relâché notre détermination, nous n'avons jamais hésité à accepter le défi, d'où
qu'il vînt. Tous ceux à qui nous parlions en ces jours, nous les trouvâmes réceptifs
à notre appel et prêts à s'identifier à ses préceptes. Sans le comportement déshonorant
des gens du Bayan, qui ont souillé par leurs actes l'oeuvre que nous avions accomplie,
Nur et le Mazindaran auraient été entièrement gagnés à cette cause et seraient
comptés à présent parmi ses principales forteresses.
"Au moment où les forces du prince Mihdi-Quli Mirza avaient assiégé le fort de
Tabarsi, nous décidâmes de partir de Nur pour prêter assistance à ses héroïques
défenseurs. Nous avions l'intention d'envoyer 'Abdu'l-Vahhab, l'un de nos compagnons,
au-devant de nous et de le prier d'annoncer notre arrivée aux assiégés. Encerclés
par les forces de l'ennemi, nous avions résolu de partager le sort de ces compagnons
inébranlables, et de nous exposer aux dangers auxquels ils étaient confrontés.
Ceci, cependant, ne devait pas arriver. La main d'Omnipotence nous épargna leur
sort et nous préserva pour l'oeuvre que nous étions destinés à accomplir. Conformément
à la sagesse insondable de Dieu, l'intention que nous avions fut, avant notre
arrivée au fort, communiquée par quelques habitants de Nur à Mirza Taqi, le gouverneur
d'Amul, qui envoya ses hommes nous intercepter. Alors que nous nous reposions
et buvions notre thé, nous nous trouvâmes soudain encerclés par quelques cavaliers,
qui s'emparèrent de nos biens et capturèrent nos montures. Nous reçûmes, en échange
de notre propre cheval, un animal misérablement sellé que nous trouvâmes extrêmement
inconfortable à monter.
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Les autres compagnons furent amenés mains liées à Amul. Mirza Taqi réussit, malgré
le tumulte que notre arrivée avait soulevé, et face à l'opposition des 'ulamas,
à nous libérer de leur emprise et à nous conduire dans sa propre maison. Il nous
accorda l'hospitalité la plus chaleureuse. De temps à autre, il cédait à la pression
que les 'ulamas exerçaient continuellement sur lui, et se sentait impuissant à
faire échouer leurs tentatives visant à nous nuire. Nous étions encore chez lui
lorsque le sardir, qui avait rejoint l'armée au Mazindaran, revint à Amul. Dès
qu'il apprit les indignités dont nous avions souffert, il réprimanda Mirza Taqi
pour la faiblesse qu'il avait montrée à nous protéger de nos ennemis. "Qu'importent,
demanda-t-il avec indignation, les dénonciations de ce peuple ignorant? Pourquoi
vous êtes-vous laissé influencer par sa clameur? Vous auriez dû vous contenter
d'empêcher le groupe de parvenir à destination et, au lieu de le détenir dans
cette maison, vous auriez dû arranger son retour immédiat sain et sauf à Tihran."
"Lors de notre séjour à Sari, nous fûmes de nouveau exposé aux insultes du peuple.
Quoique les notables de cette ville fussent, pour la plupart, nos amis, et qu'ils
nous eussent rencontré plusieurs fois à Tihran, dès que les citadins nous eurent
reconnu, alors que nous marchions avec Quddus dans les rues, ils commencèrent
à proférer des injures contre nous. Le cri de "Babi! Babi!" nous accueillait partout
où nous allions. Nous ne pouvions échapper à leurs dénonciations les plus acerbes.
"À Tihran, nous fûmes emprisonné par deux fois car nous avions élevé la voix pour
défendre la cause des innocents contre un oppresseur impitoyable. La première
détention à laquelle nous fûmes soumis suivit l'assassinat de Mulla Taqiy-i-Qazvini
et eut pour origine l'assistance que nous fûmes porté à accorder à ceux à qui
avait été infligé un châtiment immérité. Notre deuxième emprisonnement, infiniment
plus sévère, fut précipité par l'attentat que des disciples irresponsables, de
la foi, perpétrèrent contre la vie du Shah. Cet événement conduisit à notre exil
à Baghdad. Peu après notre arrivée dans cette ville, nous nous rendîmes dans les
montagnes du Kurdistan, où nous menâmes pendant quelque temps une vie de retraite
absolue. Nous cherchâmes refuge au sommet d'une montagne perdue qui se trouve
à quelque trois jours de marche de toute habitation humaine la plus proche. Les
consolations de la vie faisaient totalement défaut.
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Nous restâmes entièrement isolés de nos semblables jusqu'au moment où un certain
Shaykh Isma'il découvrit notre demeure et nous apporta la nourriture dont nous
avions besoin."
"A notre retour à Baghdad, nous trouvâmes, à notre grand étonnement, que la cause
du Bab avait été profondément négligée, que son influence avait décliné, que son
nom même était presque tombé dans l'oubli. Nous nous levâmes pour ranimer sa cause
et la sauver de la décadence et de la corruption. Au moment où la peur et la perplexité
s'étaient emparées de nos compagnons, nous réaffirmâmes, avec hardiesse et détermination,
ses vérités essentielles, et appelâmes tous ceux qui étaient devenus hésitants
à embrasser avec enthousiasme la foi qu'ils avaient si gravement négligée. Nous
envoyâmes notre appel aux peuples du monde et les invitâmes à fixer leur regard
sur la lumière de sa révélation.
"Après notre départ d'Andrinople, un différend éclata, parmi les officiels du
gouvernement à Constantinople, sur la question de savoir si nous et nos compagnons
ne devions pas être jetés à la mer. Le rapport de cette discussion parvint en
Perse, et le bruit courut que nous avions effectivement subi ce sort. Au Khurasan
en particulier, nos amis furent fort troublés. Mirza Ahmad-i-Azghandi, dès qu'il
eut appris cette nouvelle, avait affirmé, dit-on, qu'en aucun cas il n'accorderait
crédit à une telle rumeur. "La révélation du Bab, dit-il, doit être considérée
comme complètement dépourvue de fondement si ce bruit est authentique." La nouvelle
de notre arrivée, sain et sauf, à la ville prison d"Akkà réjouit le coeur de nos
amis, renforça l'admiration des croyants du Khurasan pour la foi de Mirza Ahmad
et accrut leur confiance en ce dernier.
"De notre plus grande prison, nous fûmes porté à adresser à plusieurs souverains
et monarques du monde des épîtres dans lesquelles nous tes invitâmes à se lever
et à embrasser la cause de Dieu. Au shah de Perse, nous envoyâmes notre messager
Badi' à qui nous confiâmes la tablette. Ce fut lui qui la leva bien haut devant
les regards de la foule et fit appel à voix haute à son souverain pour qu'il prête
attention aux paroles qu'elle contenait. Les autres épîtres parvinrent de même
à leurs destinataires. À la tablette que nous adressâmes à l'Empereur de France,
une réponse fut envoyée par son ministre, réponse dont l'original se trouve à
présent en possession de la plus grande Branche. (25.2) Nous
lui adressâmes les paroles suivantes: "Dis au grand prêtre, ô Monarque de France,
de ne plus faire sonner les cloches car voici que La plus grande Cloche, que les
mains de la volonté du Seigneur ton Dieu sont en train de faire sonner, s'est
manifestée en la personne de son Elu."
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Seule l'épître que nous adressâmes au tsar de Russie ne parvint pas à destination.
D'autres tablettes, cependant, lui sont parvenues, et cette épître lui sera finalement
remise."
"Remerciez Dieu de vous avoir permis de reconnaître sa cause. Quiconque a reçu
cette bénédiction doit, avant son acceptation, avoir accompli quelque acte qui,
bien que lui-même fût inconscient de son caractère, fut choisi par Dieu comme
un moyen par lequel il a été guidé pour trouver et embrasser la Vérité. Quant
à ceux qui sont restés privés d'une telle bénédiction, leurs actes seuls les ont
empêchés de reconnaître la vérité de cette révélation. Nous caressons l'espoir
que vous, qui avez atteint cette lumière, ferez de votre mieux pour bannir les
ténèbres de la superstition et de l'incrédulité parmi les hommes. Puissent vos
actes proclamer votre foi et vous permettre de guider les égarés dans les sentiers
du salut éternel. Le souvenir de cette nuit ne s'oubliera jamais. Puisse-t-il
ne jamais être effacé par le cours du temps, et puisse sa mention demeurer à jamais
sur les lèvres des hommes."
Le septième Naw-Ruz après la déclaration du Bab tomba le seize du mois de jamadiyu'l-avval
de l'an 1267 après l'hégire (25.3), un mois et demi après
la fin de la bataille de Zanjan. Cette même année, vers la fin du printemps, aux
premiers jours du mois de sha'ban (25.4), Baha'u'llah quittait
la capitale pour Karbila. Je demeurais alors à Kirmanshah en compagnie de Mirza
Ahmad, le secrétaire du Bab, qui avait reçu l'ordre de Baha'u'llah de recueillir
et de transcrire tous les Ecrits sacrés dont les originaux se trouvaient, pour
la plupart, en sa possession. Je me trouvais à Zarand, chez mon père, lorsque
les sept martyrs de Tihran subirent leur sort cruel. Je parvins ultérieurement
à partir pour Qum sous le prétexte de vouloir visiter le tombeau. Ne pouvant trouver
Mirza Ahmad que je désirais voir, je partis pour Kashan, suivant en cela le conseil
de Haji Mirza Musayi-Qumi, qui m'apprit que la seule personne qui pouvait m'éclairer
quant au lieu où se trouvait Mirza Ahmad était 'Azim, qui vivait alors à Kashan.
Avec ce dernier, je retournai à Qum, où je fus présenté à un certain Siyyid Abu'
l-Qasim-i- ' Alaqih-Band-i-Isfahani, qui avait auparavant accompagné Mirza Ahmad
dans son voyage à Kirmanshah. 'Azim le pria de me conduire à la porte de la ville,
où il devait m'informer du lieu où résidait Mirza Ahmad, et d'organiser mon départ
pour Hamadan.
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Siyyid Abu'l-Qasim, à son tour, me renvoya auprès de Mirza Muhammad-`Aliy-i-Tabib-i-Zanjani,
que je devais certainement trouver, me dit-il, à Hamadan, et qui me conduirait
à l'endroit où je pourrais rencontrer Mirza Ahmad. Je suivis ses instructions
et Mirza Muhammad-'Ali m'amena auprès d'un certain marchand, Ghulam-Husayn-i-Shushtari,
à Klirmanshah, qui me conduirait à la maison où résidait Mirza Ahmad.
Quelques jours après mon arrivée, Mirza Ahmad m'apprit qu'il avait réussi, lors
de son séjour à Qum, à enseigner la cause à Ildirim Mirza, frère de Khanlar Mirza,
à qui il souhaitait offrir une copie du "Dala'il-i-Sab`ih" (25.5),
et exprima son désir de me voir la lui porter. ldirim Mirza était en ce temps-là
gouverneur de Khurram-Abàd, dans la province de Luristan, et avait établi son
armée dans les montagnes de Khavih-Valishtar. Je n'étais que trop content de me
conformer à sa requête, et dis que j'étais prêt à me mettre immédiatement en route.
Avec un guide kurde, nous traversâmes montagnes et forêts durant six jours et
six nuits, jusqu'à ce que nous parvînmes au quartier général du gouverneur. Je
remis à ce dernier le dépôt qui m'avait été confié et rapportai avec moi, pour
Mirza Ahmad, un message écrit de sa part exprimant son appréciation du cadeau
et l'assurant de sa dévotion à la cause de son auteur.
A mon retour, je reçus de Mirza Ahmad la joyeuse nouvelle de l'arrivée de Baha'u'llah
à Kirmanshah. Au moment où on nous introduisît en sa présence, nous le trouvâmes-c'était
au mois de ramadan-occupé à lire le Qur'an, et eûmes le bonheur de l'entendre
lire des versets de ce Livre sacré. Je lui présentai le message écrit d'Ildirim
Mirza à Mirza Ahmad. "La foi que professe un membre de la dynastie Qajar", remarqua-t-il
après avoir parcouru la lettre, "n'est pas digne de confiance. Ses déclarations
ne sont pas sincères. Dans l'attente de voir les Babis assassiner un jour le souverain,
il caresse dans son coeur l'espoir d'être sacré par eux comme successeur au trône.
L'amour qu'il professe pour le Bab n'est motivé que par cela." En l'espace de
quelques mois, nous sûmes la vérité de ses paroles. Ce même Ildirim Mirza donna
l'ordre d'ôter la vie à un certain Siyyid Basir-i-Hindi, un fervent adepte de
la foi.
Il serait opportun, à ce stade, de nous écarter du cours de notre récit pour faire
une brève allusion aux circonstances relatives à la conversion et à la mort de
ce martyr. Parmi les disciples à qui le Bab avait demandé, aux premiers jours
de sa mission, de se disperser et d'enseigner sa cause, se trouvait un certain
Shaykh Sa'id-i-Hindi, l'une des Lettres du Vivant, qui avait été chargé par son
maître d'aller en Inde proclamer au peuple de ce pays les préceptes de sa révélation.
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Shaykh Sa`id au cours de ses voyages visita la ville de Multan, où il rencontra
ce Siyyid Basir (25.6) qui, bien qu'aveugle, put aussitôt
percevoir, grâce à sa sensibilité, la portée du message que Shaykh Sa`id lui avait
apporté. Le vaste savoir qu'il avait acquis, loin de l'empêcher d'apprécier la
valeur de la cause à laquelle il était appelé, lui permit au contraire de saisir
sa signification et de comprendre la grandeur de son pouvoir. Jetant derrière
lui les ornements distinctifs du directorat, et se séparant de ses amis et de
ses parents, il se leva, fermement résolu à rendre sa part de service à la cause
qu'il avait embrassée. Son premier acte fut d'entreprendre un pèlerinage à Shiraz,
dans l'espoir d'y rencontrer son Bien-Aimé. En arrivant dans cette ville, il apprit,
à sa grande surprise et aussi à sa grande tristesse, que le Bab avait été exilé
dans les montagnes d'Adhirbayjan, où il menait une vie de retraite perpétuelle.
Il se rendit aussitôt à Tihran et, de là, partit pour Nur, où il rencontra Baha'u'llah.
Cette rencontre libéra son coeur du fardeau de l'affliction que lui avait causé
son échec à retrouver son maître. A ceux qu'il rencontra par la suite-à quelque
classe ou à quelque croyance qu'ils appartinssent-il fit part des joies et des
bénédictions qu'il avait si abondamment reçues des mains de Baha'u'llah; il put
également leur communiquer une partie du pouvoir que son entrevue avec lui avait
laissé au plus profond de son être.
J'ai entendu Shaykh Shahid-i-Mazkan relater ce qui suit: "J'ai eu le privilège
de rencontrer Siyyid Basir en plein été durant son passage à Qamsar, où les hommes
éminents de Kashan se rendent pour échapper à la chaleur de cette ville. Jour
et nuit, je le trouvais en train d'argumenter avec les principaux 'ulamas qui
s'étaient réunis dans ce village. Avec habileté et perspicacité, il discutait
avec eux des subtilités de leur foi, développait, sans peur ni réserve, les enseignements
fondamentaux de la cause, et réfutait rigoureusement leurs arguments. Personne,
quelque grands que fussent son savoir et son expérience, ne fut capable de rejeter
les preuves qu'il exposait à l'appui de ses affirmations. Sa vue pénétrante et
son savoir sur les enseignements et les préceptes de l'islam étaient tels que
ses adversaires le prenaient pour un sorcier dont l'influence funeste, craignaient-ils,
pouvait bientôt leur ravir leur position."
J'ai également entendu Mulla Ibrahim, surnommé Mulla-Bashi, qui fut martyrisé
à Sultan-Abad, raconter ainsi ses impressions sur Siyyid Basir:
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"Vers la fin de sa vie, Siyyid Basir passa par Sultan-Abad, où je pus le rencontrer.
Il fréquentait toujours les principaux 'ulamas. Personne ne pouvait surpasser
sa connaissance du Qur'an et sa maîtrise des traditions attribuées à Muhammad.
Il montrait une compréhension qui faisait de lui la terreur de ses adversaires.
Souvent ceux-ci mettaient en doute l'authenticité de ses citations ou rejetaient
l'existence de la tradition qu'il citait à l'appui de son affirmation. Il établissait,
avec une parfaite exactitude, la vérité de son argument par ses références aux
texte de 1' ' 'Usul-i-Kafi" et du "Biharu'l-Anvar" (25.7),
d'où il tirait instantanément la tradition particulière démontrant la véracité
de ses paroles. Il resta sans rival, aussi bien pour sa facilité d'élocution que
pour l'aisance avec laquelle il produisait les preuves les plus incontestables
à l'appui de son thème."
De Sultan-Abad, Siyyid Basir se rendit au Luristan, où il visita le camp d'Ildirim
Mirza, et fut reçu par celui-ci avec des marques de considération et de respect.
Un jour, au cours de sa conversation avec lui, le siyyid, qui était homme de grand
courage, parla de Muhammad Shah en des termes qui suscitèrent la colère farouche
d'Ildirim Mirza. Le ton et la véhémence des remarques du siyyid le rendirent furieux,
et il donna l'ordre de lui sortir la langue par la nuque. Le siyyid endura cette
cruelle torture avec une force d'âme étonnante, mais succomba à la douleur que
son oppresseur lui avait impitoyablement infligée. La même semaine, une lettre
dans laquelle ldirim Mirza médisait de son frère, Khanlar Mirza, fut découverte
par ce dernier, qui obtint aussitôt le consentement de son souverain pour agir
envers son frère comme il lui plairait. Khanlar Mirza, qui nourrissait une haine
implacable pour son frère, donna l'ordre de le dépouiller de ses vêtements et
de le conduire, nu et enchaîné, à Ardibil où il fut emprisonné et où finalement,
il mourut.
Baha'u'llah passa tout le mois de ramadan à Kirmanshah. Shukru'llah-i-Nuri, l'un
de ses parents, et Mirza Muhammad-i-Mazindarani, qui avait survécu à la bataille
de Tabarsi, furent les seuls compagnons qu'il choisit d'amener avec lui à Karbila.
J'ai entendu Baha'u'llah lui-même donner les raisons de son départ de Tihran.
"L'amir-nizam, nous dit-il, nous demanda un jour d'aller le voir. Il nous reçut
cordialement et révéla la raison pour laquelle il nous avait convoqués auprès
de lui. "Je connais parfaitement", insinua-t-il doucement, "la nature et l'influence
de vos activités, et suis fermement convaincu que si vous n'aviez pas prêté assistance
et appui à Mulla Husayn et à ses compagnons, ni lui ni sa bande d'étudiants sans
expérience n'auraient été capables de résister pendant sept mois aux forces du
gouvernement impérial.
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La compétence et l'habileté avec lesquelles vous avez su diriger et encourager
leurs efforts ne pouvaient manquer de susciter mon admiration. Je n'ai pu obtenir
une seule preuve par laquelle je pouvais établir votre complicité dans cette affaire.
Je sens qu'il serait déplorable de laisser une personne aussi ingénieuse que vous
dans l'oisiveté et de ne pas lui donner l'occasion de servir son pays et son souverain.
La pensée m'est venue de vous suggérer de visiter Karbila en ces jours où le Shah
envisage de faire un voyage à Isfahan. Il est de mon intention de pouvoir, à mon
retour, vous conférer le rang d'amir-divan, fonction que vous pourriez admirablement
remplir." Nous protestâmes avec véhémence contre de telles accusations, et refusâmes
d'accepter la position qu'il espérait nous offrir. Quelques jours après cette
entrevue, nous quittions 'Tihran pour Karbila."
Avant son départ de KirmanShah, Baha'u'llah nous appela, Mirza Ahmad et moi-même,
auprès de lui et nous pria de partir pour Tihran. Je fus chargé de rencontrer
Mirza Yahya dès mon arrivée, de l'amener avec moi au fort de Dhu'l-Faqar Khan,
situé à proximité de Shahrud, et d'y rester avec lui jusqu'à ce que Baha'u'llah
retournât à la capitale. Mirza Ahmad fut chargé de demeurer à Tihran jusqu'à son
arrivée, et Baha'u'llah lui confia une boîte de sucreries et une lettre adressée
à Aqay-i-Kalim, qui devait expédier le cadeau au Mazindaran, où résidaient la
plus grande Branche et sa mère.
Mirza Yahya, à qui je remis le message, refusa de quitter Tihran et me chargea
de partir à sa place pour Qazvin. Il m'obligea à me conformer à son voeu et à
prendre avec moi certaines lettres qu'il me pria de remettre à plusieurs de ses
amis dans cette ville. A mon retour à Tihran, je fus obligé, sur l'insistance
de mes parents, de partir pour Zarand. Mirza Ahmad, cependant, promit qu'il organiserait
de nouveau mon retour à la capitale, promesse qu'il tint effectivement. Deux mois
plus tard, je me trouvais de nouveau avec lui dans un caravansérail au-delà de
la porte de Naw, où je passai tout l'hiver en sa compagnie. Il passait ses jours
à transcrire le Bayan persan et le "Dala'il-i-Sab`ih", oeuvre qu'il accomplit
avec un enthousiasme admirable. Il me confia deux copies de ce dernier ouvrage
et me demanda de les offrir de sa part à Mustawfiyu'l-Mamalik-i-Ashtiyani et à
Mirza Siyyid 'Aliy-i-Tafarshi, surnommé le Majdu'l-Ashraf. Le premier fut si touché,
qu'il fut complètement gagné à la foi. Quant à Mirza Siyyid 'Ali, les vues qu'il
exprima furent d'un caractère totalement différent.
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Lors d'une réunion à laquelle assistait Aqay-i-Kalim, il commenta de manière défavorable
les continuelles activités des croyants. "Cette secte, déclara-t-il publiquement,
est encore vivante. Ses émissaires travaillent d'arrache-pied à propager les enseignements
de leur chef. L'un d'eux, un jeune homme, est venu me rendre visite l'autre jour,
et m'a présenté un traité que je considère comme fort dangereux. Le commun des
mortels serait à coup sûr trompé par son ton s'il le lisait." Aqay-i-Kalim comprit
aussitôt par ces allusions que Mirza Ahmad lui avait envoyé le livre et que j'avais
servi de messager. Le jour même, Aqay-i-Kalim me demanda de lui rendre visite
et me conseilla de retourner chez moi à Zarand. Il me pria d'inciter Mirza Ahmad
à quitter aussitôt la capitale pour Qum, étant donné qu'à son avis, nous étions
tous deux exposés à un grand danger. Agissant selon les instructions de Mirza
Ahmad, je réussis à décider le siyyid à renvoyer le livre qui lui avait été offert.
Peu après, je quittai Mirza Ahmad, que je ne devais plus jamais revoir. Je l'accompagnai
jusqu'à Shah-'Abdu'l-'Azim, d'où il partit pour Qum alors que, moi, je poursuivais
ma route vers Zarand.
Le mois de shavval de l'an 1267 après l'hégir (25.8) vit l'arrivée
de Baha'u'llah à Karbila. Sur son chemin vers cette ville sainte, il passa quelques
jours à Baghdad, où il retournera bientôt et où sa cause était destinée à mûrir
et à se déployer à travers le monde. Quand il arriva à Karbila, il constata que
plusieurs résidents de renom, parmi lesquels se trouvaient Shaykh Sultan et Haji
Siyyid Javad, avaient été victimes de l'influence pernicieuse d'un certain Siyyid-i-'Uluvv,
et s'étaient déclarés ses partisans. Ils étaient plongés dans les superstitions
et croyaient que leur chef était l'incarnation même de l'Esprit divin. Shaykh
Sultan était l'un de ses plus fervents disciples et se considérait, après son
maître, comme le chef le plus éminent parmi ses concitoyens. Baha'u'llah le rencontra
à plusieurs reprises et réussit, par la bonté de ses paroles et de ses conseils,
à débarrasser son esprit de ces vaines imaginations et à le libérer de l'état
de servitude abjecte dans lequel il était tombé. Il l'amena totalement à la cause
du Bab et fit naître en son coeur le désir de propager la foi. Ses condisciples,
voyant les effets de sa conversion immédiate et prodigieuse, furent amenés, l'un
après l'autre, à abandonner leur allégeance antérieure et à embrasser la cause
que leur condisciple avait décidé de défendre. Abandonné et méprisé par ses adeptes
de jadis, le Siyyid-i-'Uluvv fut finalement obligé de reconnaître l'autorité de
Baha'u'llah et d'admettre la supériorité de sa position. Il alla même jusqu'à
exprimer son repentir pour ses actes passés, et à donner sa parole qu'il ne défendrait
plus jamais les théories et les principes auxquels il s'était identifié.
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Ce fut durant cette visite à Karbila que, alors qu'il marchait dans les rues,
Baha'u'llah rencontra Shaykh Hasan-i-Zunuzi, à qui il confia le secret qu'il était
destiné à révéler plus tard à Baghdad. Il vit qu'il était impatient de trouver
le Husayn promis à qui le Bab avait, avec tant d'affection, fait allusion, et
que Shaykh Hasan devait, d'après sa promesse, rencontrer à Karbila. Nous avons
déjà, dans un chapitre antérieur, relaté les circonstances qui conduisirent à
sa rencontre avec Baha'u'llah. À partir de ce jour, Shaykh Hasan fut attiré par
le charme de ce maître qu'il venait de trouver et aurait, sans la réserve dont
il était prié de faire preuve, proclamé à tous les habitants de Karbila le retour
du Husayn promis, dont ils attendaient l'apparition.
Parmi ceux qui vinrent à discerner ce pouvoir se trouvait Mirza Muhammad-'Aliy-i-Tabib-i-Zanjani,
dans le coeur de qui fut plantée une graine qui était destinée à croître et à
s'épanouir en une foi d'une fermeté telle que les feux de la persécution seraient
impuissants à l'éteindre. Baha'u'llah devait lui-même témoigner de sa dévotion,
de son élévation d'esprit et de sa sincérité. Cette foi le mena finalement sur
le champ du martyre. Le même sort fut partagé par Mirza 'Abdu'l-Vahhab-i-Shirazi,
fils de Haji 'Abdu'l-Majid, qui possédait un magasin à Karbila et abandonna tous
ses biens pour suivre son maître. Baha'u'llah lui conseilla cependant de ne pas
quitter son travail, mais de continuer à gagner sa vie jusqu'au moment où il serait
appelé à 'Tihran. Baha'u'llah l'exhorta à être patient et lui donna une somme
d'argent par laquelle il l'encourageait à étendre son commerce. Ne pouvant concentrer
son attention sur ses affaires, Mirza 'Abdu'l-Vahhab se hâta d'aller à Tihran
où il resta jusqu'au moment où il fut jeté dans le cachot où son maître était
détenu, et y subit le martyre par amour pour lui.
Shaykh 'Ali-Mirzay-i-Shirazi fut également attiré par la cause à laquelle il avait
été appelé et resta, jusqu'à son dernier souffle, son ferme partisan; il la servit
avec une abnégation et un dévouement au-delà de toute louange. A l'ami comme à
l'étranger, il racontait ses expériences concernant la merveilleuse influence
que la présence de Baha'u'llah avait eue sur lui, et décrivait avec enthousiasme
les signes et les prodiges dont il avait été témoin durant et après sa conversion.
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NOTE DU CHAPITRE 25:
(25.1) 9 janvier 1889 ap. J-C.
(25.2) Titre d' 'Abdu'l-Baha.
(25.3) 1851 ap. J-C.
(25.4) Du 1er au 30 juin 1851 ap. J-C.
(25.5) L'un des ouvrages les mieux connus du Bab.
(25.6) "Siyyid Basir montra, dès son enfance, les signes
des merveilleuses facultés qu'il devait manifester par la suite. Il jouit pendant
sept ans des bénédictions que confère la vue mais ensuite, à mesure que la vision
de son âme devenait claire, un voile de ténèbres tombait sur ses yeux. Dès son
jeune âge, il avait fait preuve de sa bonne humeur et de son caractère aimable
aussi bien dans ses paroles que dans ses actes; il devait y ajouter une piété
et une sobriété de vie particulières. Finalement, à l'âge de vingt et un ans,
il se mit avec grande pompe et cérémonie (car il avait beaucoup de richesse en
Inde) à accomplir le pèlerinage et, à son arrivée en Perse, il se mit à fréquenter
toutes les sectes et tous les partis (il était en effet bien au courant des doctrines
et des principes de tous) et à dépenser de grandes sommes d'argent pour la charité
envers les pauvres, tout en se soumettant lui-même à la discipline religieuse
la plus rigoureuse.
Et puisque ses ancêtres avaient prédit qu'en ces jours-là, un homme parfait apparaîtrait
en Perse, il ne cessa de s'informer de tout. Il visita La Mecque puis, après avoir
accompli les rites du pèlerinage, se rendit aux tombeaux de Karbila et de Najaf,
où il rencontra feu Haji Siyyid Kazim, pour lequel il conçut une sincère amitié.
Il retourna ensuite en Inde; mais, à son arrivée à Bombay, il apprit qu'un homme
qui se prétendait le Bab était apparu en Perse; là-dessus, il revint aussitôt
sur ses pas. (Le "Tarikh-i-Jadid", pp. 245-6.)
(25.7) Recueil de traditions islamiques.
(25.8) 30 juillet-28 août 1851 ap. J-C.