Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

8. Vivre et aimer ne font qu'un
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8.4. Nos petits candidats au bonheur

Avant de commencer mon exposé, je voudrais vous lire un extrait de l'une des publications de l'Unicef concernant l'année internationale de l'enfant.

En voici le texte:

"L'année internationale de l'enfant coïncidera avec le centenaire de la naissance du Dr. Janusz Korsczak, médecin, écrivain, travailleur social et grand ami des enfants. Il consacra toute sa vie et ses talents créatifs aux enfants, luttant inlassablement pour défendre leur droit à la dignité et à l'amour.

Janusz Korsczak est né à Varsovie en Pologne. En 1911 il devint directeur du foyer des orphelins de Varsovie. Il travailla également pour l'orphelinat " Notre Foyer".

Durant 25 ans il pratiqua dans ses deux institutions son système éducatif, sorte d'auto-gouvernement des enfants, où un tribunal (avec l'aide des responsables de l'établissement) règle les différends, un parlement édicte des lois, et un journal rend compte des événements quotidiens.

Le Dr. Korsczak fut aussi un journaliste et un chroniqueur bien connu. Ses livres pour enfants et sur les enfants ont été traduits en plus de 30 langues.

Durant l'occupation nazie en Pologne le Dr. Korsczak choisit de mourir plutôt que d'abandonner les enfants dont il avait la charge. Il fut exterminé dans le camp de la mort de Treblinka en même temps que 200 orphelins.

En observant l'année internationale de l'enfant, la Pologne rendra une nouvelle fois hommage à ce grand homme".

Quant au sujet de mon exposé, il s'agit de nos enfants qui potentiellement ont toutes les qualités pour devenir des êtres heureux et contribuer au bonheur du monde de demain. Ce qui ne peut se faire que par l'EDUCATION que nous allons leur donner aujourd'hui. Et c'est cela le sujet de mon exposé, basé sur les Écrits baha'is.

Baha'u'llah dit:

"Voyez en l'homme une mine riche en gemmes d'une valeur inestimable. Mais seule l'éducation peut révéler les trésors de cette mine et permettra à l'humanité d'en profiter". (Extraits des Écrits de Baha'u'llah).

Si seulement on avait commencé cette éducation à l'époque où ces paroles étalent écrites, c'est-à-dire il y a plus de cent ans ! Alors nos grand-mères auraient éduqué nos mères, et celles-ci ayant reçu l'éducation appropriée se seraient souciées de notre éducation avant notre naissance pour continuer après jusqu'à faire de nous des hommes dignes de ce nom.

Permettez-moi d'expliquer ce que j'entends par l'expression " soucis avant naissance".

Selon les enseignements Baha'is, l'éducation morale de l'enfant commence dans !e sein de sa mère. Ce qui implique pour toute la période de gestation un environnement harmonieux imprégné d'amour, de justice, de droiture et, en bref, de toutes les vertus. Ainsi il est recommandé aux mères de s'abstenir durant cette période de la lecture des romans où il n'y a que des intrigues, trahison, scènes de meurtre etc., et, en échange, de lire des ouvrages traitant des questions morales, et, plus particulièrement, des Écrits sacrés.

Une telle discipline exige que la mère en soit informée d'avance, autrement dit, qu'elle ait reçu l'éducation Baha'ie de la part de sa mère, c'est-à-dire de la grand-mère de l'enfant.

Voilà pourquoi Victor Hugo disait: u Si vous voulez avoir un homme civilisé commencez par sa grand-mère". Cette parole fut à l'époque considérée comme une boutade, mais aujourd'hui c'est une vérité spirituelle sanctionnée par la science.

En effet, il a été récemment prouvé par des constatations scientifiques faites surtout par les spécialistes allemands que l'enfant conçu dans un mauvais environnement moral et placé immédiatement après sa naissance dans un bon environnement est très désavantagé par rapport à l'enfant conçu dans un bon environnement.

Ce bon environnement doit être maintenu après la naissance de l'enfant, avec cette différence que la mère lira à haute voix les ouvrages inculquant la morale et surtout les Écrits sacrés.

Une fois de plus les sceptiques pourront ne pas croire à l'utilité de telles lectures pour un enfant qui n'y comprend rien, mais les constatations scientifiques et les statistiques ont mis en évidence l'influence ultérieure de ces lectures régulières sur l'esprit de l'enfant. C'est comme l'effet d'une goutte d'eau qui tombe sur une pierre qui ne se manifeste qu'avec le temps, et jamais immédiatement.

Avant d'aller plus loin précisons qu'il ne s'agit pas de faire marcher un enregistreur pour l'enfant. Non, la mère doit prendre l'enfant dans ses bras, le caresser, l'embrasser, lui montrer son amour par tous les moyens. Car l'enfant a besoin de son amour autant que de son lait. Si l'un est nécessaire pour son développement physique, l'autre est indispensable pour son développement moral.

En Amérique, on a fait l'expérience suivante: on a divisé les nouveau-nés en deux groupes, le premier a été confié aux soins de leurs mères, et le second, aux soins des infirmières. Et l'on a constaté que les enfants du premier groupe apprenaient à manger, à marcher et à parler bien plus vite que ceux du deuxième groupe.

Ce n'est pas en vain qu'on dit: u Tout se décide dès le berceau". C'est dès le berceau jusqu'à sa maturité que l'enfant a besoin d'amour. Un enfant qui n'a pas été aimé, ou même n'aura pas eu le sentiment d'être aimé ne sera pas capable d'aimer.

Une crèche ne remplacera jamais la présence d'une mère au travail. Et c'est la raison pour laquelle il est déconseillé, au moins jusque l'âge de 5 ans, de priver l'enfant de l'ambiance familiale en le confiant aux institutions.

Tout cela montre à quel point le rôle de la mère est important dans l'éducation de l'enfant, et, par conséquent, combien il est nécessaire qu'elle-même soit préalablement éduquée.

Voilà pourquoi, selon la foi Baha'ie, l'éducation de la fille l'emporte sur celle du garçon car la fille est la future mère et l'éducatrice de l'enfant.

Il est donc juste de dire que lorsqu'on éduque un homme, on éduque un individu, mais quand on éduque une femme on éduque une famille.

La mission de la mère est tellement sacrée qu'il y a une tradition citée dans le Talmud qui dit: "Ne pouvant pas être partout Dieu a créé les mères".

Le Prophète Muhammad, de son côté aurait dit: "Le paradis est sous les pieds des mères".

Dans l'éducation de l'enfant il ne faut pas négliger le rôle des jouets. L'enfant, avant même son premier anniversaire a besoin de jouets et de plus en plus variés, car c'est un moyen pour satisfaire son besoin de s'instruire.

Le premier signe de la capacité et du désir de s'instruire c'est l'intérêt que manifeste l'enfant pour les choses nouvelles.

Ce qui est démontré par l'expérience suivante: aux enfants à peine âgés de 6 mois, on a présenté le choix entre deux objets, dont l'un familier et l'autre nouveau, et l'on a constaté que l'enfant s'empare de l'objet qui est nouveau.

Il faut donc profiter de ces jouets instructifs et de plus en plus variés pour développer la capacité de s'instruire chez l'enfant.

En parlant des jouets c'est à dessein que j'ai utilisé le terme " instruction " au lieu de "éducation". Car le jouet est un moyen servant à l'instruction de l'enfant et non pas à son éducation. Il faut faire une distinction entre l'instruction et l'éducation.

L'instruction consiste dans le développement de l'intellect par l'acquisition des connaissances. L'éducation consiste à savoir discerner le bien du mal afin de faire le bien et éviter le mal, ce qui implique le développement de la volonté.

Autrement dit, l'instruction consiste à apprendre à l'homme ce qu'il ne sait pas, tandis que l'éducation lui apprend en plus à agir autrement qu'il n'agit. Les jouets ne peuvent jouer un tel rôle.

Partant de ces considérations à l'école Baha'ie, tout en combinant ensemble l'instruction et l'éducation, on attache plus d'importance à l'éducation qu'à l'instruction.

Selon les Écrits baha'is pendant la période préscolaire de l'enfant il faut recourir aux jouets et aux jeux pour commencer à l'instruire, car, avec les jeux et les jouets, l'enfant apprend à aimer l'acquisition des connaissances.

`Abdu'l-Baha cite même le cas où l'on fait des bonbons sous forme de lettres de l'alphabet. De cette façon, l'enfant qui aime les bonbons aimera les lettres de l'alphabet et les apprendra avec amour.

Il ne faut jamais bourrer un enfant de connaissance, ni recourir à la contrainte. L'essentiel c'est de créer chez l'enfant l'amour pour l'acquisition des connaissances.

N'oublions jamais que l'enfant n'est pas un vase à remplir, mais une lampe à allumer.

La question de l'instruction et de l'éducation de l'enfant est étroitement liée à celle de sa santé. C'est même le premier devoir des parents et surtout de la mère de veiller à la santé de l'enfant.

`Abdu'l-Baha conseille aux parents d'élever les enfants, dès leur naissance, dans des conditions dures, de les vêtir aussi sobrement que possible, de ne pas les protéger contre le froid, de façon à ce qu'ils aient une bonne résistance physique, et qu'ils puissent jouir d'une parfaite santé au fur et à mesure qu'ils grandissent.

Dans le même ordre d'idée, les enfants doivent être allaités par leur mère, sauf en cas d'incapacité pour cause de maladie. C'est la raison pour laquelle les mères Baha'ies ne se laissent pas influencer par toutes ces publicités concernant les " avantages " du lait en poudre.

En cas de maladie de l'enfant le recours au médecin est prescrit par la foi Baha'ie. Mais ce recours ne s'impose pas seulement quand l'enfant est manifestement malade. Il y a des enfants qu'on appelle " agités". C'est celui qui ne tient pas en place, se lève de table, on ne sait pourquoi, fait du bruit à l'heure où l'on dort. Il ne faut pas - dit le Dr. Soubiran - s'empresser de penser qu'un surcroît d'autorité ramènera cet enfant à la sagesse. Il ne faudrait pas, non plus, administrer soi-même un calmant nerveux. Il faut consulter le pédiatre.

De même, il y a des enfants dont le travail scolaire laisse à désirer. Il se peut - dit le Dr. Soubiran - que la cause en soit " les difficultés psychologiques provoquées par des problèmes affectifs ou par une inadaptation intellectuelle au type d'études qu'on lui propose".

Apparemment l'enfant n'est pas malade, mais psychologiquement il l'est. Il faut consulter un spécialiste.

Il y a encore le cas des enfants portés à de violentes colères.

Tous ces cas sont généralisés sous le titre " Enfants difficiles". Avec l'aide des spécialistes il faut savoir les élever sans jamais considérer les difficultés de l'enfance comme un handicap qui se prolonge tout le long de la vie".

Le Dr. Soubiran cite le cas d'Einstein qui était un enfant difficile, et il conclut qu'un enfant difficile peut avoir un brillant avenir devant lui.

L'essentiel est ne jamais se plaindre de son sort et rester toujours optimiste, ce qui est encore l'un des enseignements Baha'is.

A noter que si aujourd'hui seulement la médecine cite comme cas de maladie l'inadaptation intellectuelle au type d'étude qu'on impose à l'enfant, il y a plus d'un demi siècle les Écrits baha'is ont prescrit aux parents le devoir d'orienter leur enfant vers une profession pour laquelle ce dernier a des aptitudes spécifiques, ce qui, plus tard, lui permettra de faire le travail qu'il aime.

Tout ce que nous avons dit jusqu'ici concerne l'aspect physique et intellectuel de la vie de l'enfant. Abordons maintenant l'étude de l'aspect spirituel de la vie de l'enfant, en disant un mot sur son éducation.

Selon la foi Baha'ie l'éducation de l'enfant, comme son instruction, doit toujours être basée sur l'amour et l'encouragement.

Les parents (et surtout la mère) doivent profiter du moindre geste de l'enfant pour l'encourager. L'enfant y est bien plus sensible qu'on ne le croit. Il faut surtout éviter la moindre injustice.

Ch. Dickens dit " Dans le monde où vivent les enfants rien n'est perçu avec autant de sensibilité que l'injustice". Et c'est toujours le même esprit de justice qui implique que si l'enfant fait quelque chose qui n'est pas bien on lui montre que son geste ne reste pas inaperçu ; qu'on lui fasse comprendre qu'il ne doit plus répéter ce geste, et si nécessaire, sans le blesser, gentiment avec sagesse lui reprocher son comportement.

Mais en aucun cas, précise `Abdu'l-Baha, il ne faut recourir à la punition corporelle, car ses effets néfastes ne tarderont pas à se manifester. Et `Abdu'l-Baha fait remarquer que les Arabes disent qu'en dressant même un cheval il ne faut jamais le battre, car l'animal deviendra rétif et méchant.

Ce n'est pas en battant l'enfant qu'on peut contribuer à son épanouissement moral. L'enfant est une plante. Personne ne frappe la jeune pousse pour la faire grandir.

Un autre point important dans l'éducation de l'enfant c'est que les parents ne se livrent pas à la médisance et ne se disputent jamais devant l'enfant. Autrement ils lui fourniront un mauvais exemple. Et l'enfant est bien plus sensible à l'exemple qu'à la parole.

D'une manière générale dans l'éducation de l'enfant le moyen le plus efficace c'est de donner soi-même le bon exemple, et éviter à tout prix le mauvais exemple, car celui-ci est bien plus facile à imiter. Si donc l'enfant se conduit mal, il faut voir si les parents se conduisent bien.

Un pédiatre explique à un père qui lui demande d'examiner son fils particulièrement mal élevé:

"Le drame avec les enfants c'est qu'ils s'obstinent à imiter leurs parents malgré tous les efforts de ceux-ci pour leur enseigner les bonnes manières".

Imiter le bon exemple des parents n'implique nullement l'imitation aveugle de leur façon de penser.

Bien au contraire, les parents doivent contribuer à ce que l'enfant apprenne à raisonner personnellement, de façon à ce que plus tard, il puisse procéder personnellement et indépendamment à la recherche de la vérité, ce qui est l'un des principes sacrés de la foi Baha'ie.

Ce respect de la personnalité de l'enfant n'exclut pas le respect de l'autorité paternelle. Car l'enfant doit comprendre que l'éducateur ce sont ses parents et non pas lui. Ce n'est malheureusement pas le cas avec les enfants gâtés d'aujourd'hui.

Un journal humoristique américain écrivait: "Entre les parents et les enfants d'aujourd'hui il existe un nouveau malentendu, on ne distingue plus quelle génération éduque l'autre".

Un autre point dans l'éducation de l'enfant selon les enseignements Baha'is c'est de faire comprendre à l'enfant que son pays est bien plus vaste qu'ils ne l'imagine, et que le monde est son pays.

Il faut que l'enfant sache que s'il est bien nourri, il y a dans le monde (et principalement dans le Tiers-monde) 12 millions d'enfants qui, par suite de la sous-alimentation, meurent tous les ans avant d'atteindre l'âge d'un an.

Ce qui n'empêche que nous, les parents, sachions qu'avec les deux millions de tonnes de nourriture que consomment les chiens et les chats, rien qu'en France, on peut sauver ces enfants.

Il faut que l'enfant sache que s'il est bien traîné, il y a dans le monde des enfants martyrs. Rien qu'en Amérique il y en a plus d'un demi-million tous les ans: ils sont battus, brûlés, privés volontairement de nourriture. Nous en avons en Belgique plus de 2000 par an.

il faut que l'enfant sache que s'il a tout ce qu'il faut pour bien vivre, il y a dans le monde plus de 50 millions d'enfants âgés de moins de 15 ans qui travaillent dans des conditions inhumaines pour un salaire de misère.

Elevé dans un tel esprit de conscience universelle l'enfant d'aujourd'hui et adulte de demain ne permettra plus qu'il y ait dans le monde des enfants sous-alimentés, exploités, martyrs et délinquants.

Et s'il y en a encore dans le monde, et que, dans l'immédiat nous ne pouvons pas y remédier, ou ne sommes pas disposés à assumer nos responsabilités, engageons-nous à élever nos enfants de manière à ce que la génération future soit plus heureuse que celle d'aujourd'hui.

Il est bien temps - disent les Baha'is - qu'on commence à remédier à cette situation tragique en appliquant la méthode d'éducation dont j'ai tracé les grandes lignes, méthode révélée il y a plus de 100 ans, méthode que les Baha'is appliquent depuis lors aussi bien dans leurs familles que dans leurs écoles, méthode qui fera de chaque enfant un petit candidat à ce bonheur dont chacun rêve.

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