Le courage
d'aimer
Shoghi Ghadimi
8. Vivre et aimer ne font qu'un
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8.8. Les derniers seront les premiers (Humilité)
Il y a une histoire orientale qu'on nous
raconte à l'école Baha'ie quand on veut étudier la question de l'humilité.
Ayez, le Grand Vizir du Sultan Mahmud, craignant d'oublier son humble origine
et redoutant de s'enfler d'orgueil, avait caché ses vieux vêtements dans un
coffre qu'il ouvrait en secret le matin et le soir.
Les mauvaises langues rapportèrent au Sultan que Ayaz abusait des faveurs royales
et qu'il le trahissait s'appropriant une partie du trésor.
Le Sultan se laissa influencer par ses propos malveillants et ordonna qu'on
ouvrît le coffre en question. Ne trouvant que des vêtements en lambeaux, il
convoqua Ayaz pour demander l'explication.
C'est - répondit-il au Sultan - pour ne pas oublier mon humble origine et les
faveurs de Votre Majesté, sans lesquelles je ne serais pas ce que je suis.
Profondément touché le Sultan aima plus que jamais l'humilité de son ministre
et lui accorda plus de confiance et de pouvoir, ce qui éleva Ayaz aux yeux de
tous.
Ne pourrait-on pas voir dans cette histoire ce qui caractérise essentiellement
un comportement humble, à savoir, les quatre points suivants:
1 ° Voir ses faiblesses
2° Ne pas voir ses qualités
3° Voir les qualités des autres
4° Ne pas voir les faiblesses des autres.
En effet:
1° Ayaz voyait sa faiblesse humaine qui à tout moment l'exposait au danger d'être
enivré par la gloire.
Pour lutter contre cette faiblesse il a trouvé son moyen à lui.
2° Ayaz fermait les yeux à son rang.
3° Ayaz avait constamment devant les yeux les faveurs royales.
4° Ayaz ne voyait pas la légèreté avec laquelle le Sultan s'était laissé influencer
par les médisants, et lui restait toujours reconnaissant.
Si on respecte ces quatre points, on peut dire qu'on est engagé sur le chemin
de l'humilité. Ce qui automatiquement attire la sympathie et le respect de tout
le monde, car personne n'aime, ni ne respecte les orgueilleux.
Nous allons développer ces quatre points plus en détail:
I. - Le fait de voir ses faiblesses.
C'est la définition même de l'humilité. Car selon le dictionnaire l'humilité
est la vertu qui résulte du sentiment de notre faiblesse.
L'homme a-t-il réellement des faiblesses? Oui et non.
En effet, selon la conception Baha'ie, l'homme possède deux natures: sa nature
élevée ou spirituelle et sa nature inférieure ou matérielle. Sa nature spirituelle
se manifeste par la force morale, par les vertus ; sa nature matérielle se manifeste
par la faiblesse morale, par les défauts.
C'est cette deuxième nature que l'homme doit avoir constamment devant les yeux
pour être toujours prêt à lutter contre elle. Si on ne voit pas un ennemi devant
soi, on ne s'apprête pas à lutter.
D'une manière imagée on peut dire que l'homme est exposé à une double force,
l'une spirituelle qui le tire vers le haut, et l'autre matérielle qui le tire
vers le bas.
Notons que le monde végétal aussi est exposé à une double force: la force de
gravitation qui tire la plante vers le bas, et la force de croissance qui tire
la plante vers le haut.
Tant que la plante lutte contre cette force qui la tire vers le bas, elle croit,
et à partir du moment où elle cesse cette lutte, elle se penche vers le bas,
elle dépérit.
Il en est de même en ce qui concerne l'homme. Tant qu'il lutte contre cette
force de sa nature matérielle qui le tire vers le bas, il " croît", il progresse,
il s'élève, et c'est cette lutte qui conduit à l'humilité. Comme cette lutte
contribue à notre élévation, il faut en déduire que l'humilité conduit à l'élévation
de l'homme.
Voilà pourquoi Baha'u'llah dit:
"L'humilité élève l'homme et l'orgueil l'abaisse au dernier degré de l'humiliation".
L'humilité n'humilie donc pas l'homme, bien que les deux mots soient de même
origine.
Rappelons-nous que les hommes les plus grands dans le domaine de la religion,
comme dans le domaine de la science, étaient les hommes les plus humbles.
Jésus ne voulait pas qu'on lui attribue cette vertu appelée BONTÉ. Quand on
lui a dit " Bon maître " , il a protesté en disant: "Pourquoi m'appelez-vous
bon? Il n'y a que mon père qui est bon".
Le Prophète Muhammad, en tant que messager de Dieu, ne pouvait pas commettre
de péché, ce qui n'empêche qu'il demande à Dieu de lui pardonner les péchés
du passé et de l'avenir.
`Abdu'l-Baha dans une prière émouvante dit: "O Seigneur ! mes péchés sont les
plus grands de tous. Avant tout pardonne donc mes péchés".
Un tel degré d'humilité les a-t-il humiliés? Bien au contraire, ce sont les
personnalités les plus glorifiées. L'expérience montre donc que l'humilité conduit
à la gloire dans le domaine de la religion.
Et il en est de même dans le domaine de la science et des lettres.
Newton attribue ses mérites à ses prédécesseurs en disant que si on le voit
si haut, c'est qu'il est porté sur les épaules des géants.
Quant à ses découvertes, il les compare aux coquillages que trouve un enfant
au bord d'un océan sans limite.
Dans le domaine de la littérature citons l'exemple de Victor Hugo ou de Lamartine.
Certain jour Victor Hugo reçoit une lettre simplement adressée " Au plus grand
poète du siècle". Il saute aussitôt dans un fiacre pour se rendre chez Lamartine.
"C'est pour vous", lui dit-il. "Pas du tout, certainement pour vous", répond
Lamartine.
Finalement ils ouvrent le pli: la lettre était pour Musset.
Tous ces grands hommes voyaient leur " faiblesse " là où ils étaient considérés
comme forts, et ils étaient forts.
Mais il y en a qui sont faibles et qui ne voient pas leur faiblesse.
A titre d'exemple citons quelques cas:
1° Le cas où l'on manque d'objectivité, où l'on ne voit pas les choses telles
qu'elles sont en réalité.
Un monsieur se rend chez un photographe pour prendre ses photos.
"Mais dites-donc, je suis moche sur ces photos", sécrie-t-il.
Et le photographe de demander:
"Voulez-vous que je les retouche?".
2° Le cas courant où l'on croit avoir toujours raison.
Un courtier prétentieux dit un jour à Talleyrand:
"Je ne parle pas beaucoup. Mais quand je dis quelque chose, ce n'est pas pour
rien. Je suis sûr de mon opinion. Et je ris de tous ceux qui me trouvent ridicule.
"Alors - constata Talleyrand - personne au monde ne doit rire autant que vous".
A la première réunion du groupe Baha'i à New-York chacun des membres insistait
sur son opinion. Arrive un télégramme d`Abdu'l-Baha disant: "Lisez le verset
30 du chapitre 19 de l'Évangile St. Matthieu".
Les amis ouvrent l'Évangile et ils y lisent:
"Plusieurs parmi les derniers seront les premiers, et plusieurs parmi les premiers
seront les derniers".
Et ils comprirent que personne ne doit s'ériger en supérieur par rapport à son
prochain, et ils se rappelèrent cette parole de Baha'u'llah qui dit:
"De tous les hommes, le plus négligent est celui qui discute vainement et qui
cherche à s'élever au-dessus de son frère".
Pour un Baha'i l'une des occasions pour s'entraîner à l'esprit d'humilité est
précisément fournie par les réunions régulières où les membres de la communauté
se consultent sur les affaires d'intérêt général.
3°Le cas où l'on voit qu'on a tort, mais on manque de force morale pour dire
les trois mots les plus difficiles à prononcer: "J'ai eu tort".
Un jour la reine Victoria se promenait en barque sur une rivière. Une villageoise
qui l'observait dit à son pasteur:
"Vous ne trouvez pas cela ridicule?"
"Mais quoi donc?"
"Mais de voir la reine ramer sur une rivière un dimanche".
Le pasteur lui rappela que Jésus lui-même s'était promené en barque sur le lac
de Tibériade un jour de sabbat.
"Et alors - répliqua la villageoise - si on est deux à se tromper, cela ne prouve
pas pour autant qu'on ait raison".
Il y a bien d'autres cas où l'on est faible, et où l'on ne voit pas sa faiblesse,
et, par conséquent, on n'est pas humble, mais je me contente de la mention des
trois cas que j'ai cités.
II. - Nous avons dit que la deuxième façon pour s'entraîner à l'esprit d'humilité,
c'est de ne pas voir ses qualités.
A ce propos Baha'u'llah nous cite l'image de la terre qui tout en étant la source
de nos richesses et de nos nourritures, avec toutes ses qualités, supporte le
fardeau dont l'homme à la charge.
Il faut qu'il en soit de même en ce qui nous concerne. Nous devons supporter
le fardeau des autres quel que soit notre rang ou quelles que soient nos qualités.
Le mot même HUMILITÉ vient de HUMILEM qui signifie " ce qui est à terre".
`Abdu'l-Baha dit que si l'homme a mille qualités et un défaut, il faut qu'il
ferme les yeux à ses qualités pour voir son défaut et s'efforcer de s'en débarrasser.
Et il cite cette image: Supposez - dit-il - que vous avec une maison en très
bon état. Quant vous vous apercevez d'une fissure quelque part vous oubliez
tout ce qui est en bon état et vous vous mettez à réparer cette fissure. Il
faut qu'il en soit de même en ce qui concerne le moindre défaut, quelles que
soient nos qualités.
III. - La troisième façon pour s'entraîner à l'esprit d'humilité c'est de voir
les qualités des autres et d'en parler face à face et, encore mieux, en leur
absence.
Bien entendu parler des qualités des gens face à face est très efficace pour
contribuer à l'épanouissement de leur personnalité, car c'est dans la nature
humaine de s'efforcer de ressembler de plus en plus à la bonne image que les
autres ont de soi. Mais d'en parler en leur absence, c'est encore plus efficace,
car un tel éloge est interprété comme un gage de sincérité.
Dans tous les cas, un Baha'i a le devoir de chercher les qualités des gens et
d'en parler aussi bien face à face, qu'en leur absence.
`Abdu'l-Baha en fournissait l'exemple parfait. Malgré son dévouement sans pareil
pour servir les autres, faisant allusion à l'esprit de service qu'animait un
Baha'i, il lui écrivait: "Pour le moment c'est toi qui es enivré par le vin
de service. Mais `Abdu'l-Baha aura-t-il sa part? Prie pour lui. L'intercession
est la qualité des fidèles".
Autant aux Baha'is il est interdit de médire, autant ils sont exhortés à dire
du bien des autres.
IV. - La quatrième façon pour s'entraîner à l'esprit d'humilité c'est de ne
pas voir les faiblesses des autres.
Parlant de l'habitude d'un individu de jouer au jeu de hasard quelqu'un dit
à `Abdu'l-Baha: "Maître, il a passé toute la nuit à jouer au jeu de hasard".
"Faire la même chose toute une nuit ! Quelle patience, quelle persévérance !
Que fera-t-il le jour où il se donnera à la cause de Dieu !"
Ne pas fermer les yeux aux faiblesses des autres, s'occuper de leurs défauts,
tout en oubliant les siens est une attitude tellement répugnante selon Baha'u'llah,
que c'est un cas qui attire la malédiction divine.
Voilà, chers amis, quelques attitudes par lesquelles on s'entraîne à l'esprit
d'humilité, on manifeste l'humilité.
Mais il y a une attitude, une humilité que je n'ai pas citée jusqu'ici, et qui
est pourtant incomparablement au-dessus de toute autre humilité. Et c'est la
raison pour laquelle je vais la mentionner à la fin de mon exposé. Car on est
plus attentif à un exposé lorsque le conférencier dit qu'il va le finir.
Le président annonce que le conférencier va parler pendant dix minutes, puis
qu'on va aller souper.
"Je ne sais pas par où commencer", dit le conférencier.
"Par la neuvième minute", s'écrient les invités.
Je disais donc il y a une humilité devant laquelle toute autre humilité passe
en second plan. C'est l'humilité devant Dieu, ou pratiquement, face à la foi
révélée par Dieu. En effet, à ceux qui, face à la foi Baha'ie, déclarent, avec
raison, qu'ils s'en tiennent à la méthode scientifique, les Baha'is disent que
c'est la méthode scientifique qui implique la recherche personnelle de la vérité.
Par conséquent, quelle que soit leur religion ou opinion, qu'ils cherchent indépendamment
et personnellement si la foi Baha'ie n'accomplit pas les prophéties de leur
religion ; et s'ils n'ont pas de religion, qu'ils cherchent si la foi Baha'ie
n'est pas la SOLUTION à tous les problèmes qui se posent aujourd'hui à l'humanité.
Après cette recherche, s'ils ont encore le moindre doute, qu'ils appliquent
la méthode scientifique particulière à notre époque, cette méthode qui dit CROIRE
d'abord, avant de VOIR, et comme récompense VOIR ensuite ce qu'on a CRU.
Juste un exemple pour illustrer cette méthode.
On a d'abord CRU à l'existence de l'atome, comme la plus petite particule de
matière, puis on a VU scientifiquement (par un calcul précis) que, par sa dimension,
l'atome est la cinquante millionième partie d'un point. Quant à la puissance
de cet atome, je n'en parle pas, vous ne la savez que trop.
Si c'est la méthode scientifique révolutionnaire de notre siècle, et bien, qu'on
applique, à titre d'expérience, qu'on fasse l'expérience baha'ie pour VOIR,
par la suite, si on y gagne et si l'humanité aussi y gagne.
C'est à cette HUMILITÉ que les Baha'is invitent l'humanité.